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à M. l’évêque de Langres, il ne sait pas s’il doit entrer ou non dans le conseil de l’instruction publique, et il reste sur le seuil, laissant toutes sortes de réserves, et étonné de voir qu’à chaque réserve on lui réponde fort simplement que ces réserves-là sont toutes naturelles, qu’elles n’ont rien qui puisse inquiéter personne. M. de. Langres s’attendait-il donc à des obstacles ? les souhaitait-il ? Allons au fond des choses ; nous concevons le système de M. de Cazalès, c’est l’indépendance absolue de l’église qu’il soutient. Ce système-là aboutit à mettre l’église catholique en France dans la situation où elle est en Amérique. Chaque communion fera les frais de son culte ; point de culte rétribué par l’état. Est-ce là qu’en veut venir M. de Langres ? Il y marche, en disant sans cesse : Nous entrons dans le conseil de l’instruction publique à condition d’en sortir le jour où nous nous y trouverons contrariés dans notre conscience, cela veut dire : Nous y entrons pour n’être jamais contrariés, c’est-à-dire pour être les maîtres, ou bien cela ne veut rien dire du tout. Si c’est pour être les maîtres en toutes choses que les évêques entrent dans le conseil de l’instruction publique il valait mieux ne le composer que d’évêques. La loi n’a pas fait cela ; elle a voulu faire une part au clergé dans le gouvernement de l’instruction publique, comme elle a fait sa part à la magistrature, à l’Institut, au conseil d’état, à l’ancienne Université. Si le : clergé veut plus que sa part légitime, le clergé se retirera, comme le dit M. l’évêque de Langres ; mais M. l’évêque de Langres croit peut-être que les évêques, en se retirant ainsi, n’auront à secouer la poussière de leurs pieds que contre l’Université, qui est, comme on sait, damnable à merci. Non ; ils auront aussi à secouer la poussière de leurs pieds contre la magistrature, contre l’Institut, contre le conseil d’état, contre l’enseignement libre, c’est-à-dire contre toute : la société. Il y a lieu d’y regarder à deux fois, car si le clergé excommunie ainsi toute la société, ce sera le clergé qui se trouvera en dehors de la société, en même temps que la société se trouvera en dehors de l’église : ce sera la séparation absolue de l’église et de l’état.

Nous croyons, quant à nous, que les réserves de M. de Langres n’expriment que l’incertitude de l’honorable évêque et n’expriment pas un parti pris de la part de l’épiscopat ; car, si c’est un parti pris, l’amendement de M. de Cazalès est la seule résolution sage et honorable. Il vaut mieux ne pas entrer que d’entrer pour sortir.

Après l’organisation du conseil de l’Université, vient l’organisation des conseils académiques. La loi crée un conseil académique par département. Nous approuvons, quant à nous, cette mesure ; mais nous l’approuvons par les motifs qu’a si bien indiqués M. Thiers, et non par ceux qu’a donnés M. de Montalembert. M. de Montalembert veut la décentralisation intellectuelle de la France ; nous ne demandons pas mieux, si cela est possible. Il veut qu’il y ait des gens d’esprit et de science ailleurs qu’à Paris, où cependant, selon lui, il n’y en a déjà plus beaucoup : soit ! nous consentons de grand cœur à cette bonne pensée, car nous sommes convaincus que, lorsqu’il y aura en province plus de science et plus d’esprit encore qu’il n’y en à Paris lui-même en vaudra mieux. Mais comment M. de Montalembert s’y prend-il pour décentraliser l’instruction ? Erige-t-il des facultés des sciences et des facultés des lettres en beaucoup de lieux ? Non, il institue des conseils académiques. Comment alors compose-t-il