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Lamartine a trop de politiques diverses et successives pour qu’un homme comme le président, dont le mérite jusqu’ici a été de n’en avoir qu’une, veuille le prendre pour conseiller. Il n’y a pas de mal d’avoir beaucoup de conseillers divers, pourvu que ce ne soit pas en un seul homme, car dans ce cas alors ; au lieu de choisir entre des conduites différentes, on ne choisit qu’entre des idées contradictoires

Si nous ne tenons pas grand compte des audiences de M. de Lamartine, ferons-nous plus grand état des prétendues mésintelligences du général Changarnier et du président de la république ? Pendant deux ou trois jours, on s’abordait mystérieusement - Oui, ils sont brouillés ! — Oh ! et pourquoi ? –Pour ceci, pour cela : c’est grave. — Puis, au bout de deux ou trois autres jours, on s’abordait encore mystérieusement. -Eh, bien ! vous savez : ils sont réconciliés. –Oh ! et pourquoi ? — On vous disait alors pourquoi le président de la république et le général Changarnier s’étaient réconciliés, comme on vous avait dit pourquoi ils s’étaient brouillés. Quant à nous, qui doutions de la brouille et de la réconciliation, on nous prenait pour des sceptiques ou des indifférens. Indifférens ! comment le serions-nous ? Ne courons-nous pas le risque commun ? Si le président s’éloignait du général Changarnier, si la division se mettait entre le chef du pouvoir exécutif et ses plus énergiques et ses plus intelligens coopérateurs, nous serions bientôt en proie au socialisme, le président avec nous et le général Changarnier avec le président. Nous ne sommes donc pas indifférens, mais nous sommes sceptiques, parce que nous croyons que là où les situations sont communes, là où les intérêts sont les mêmes, les intentions ne peuvent pas être opposées

Aussi vous croyez, nous dira-t-on, qu’il n’y a pas eu la moindre froideur entre le président de la république et le général Changarnier, et c’est comme cela que vous vous tenez informés ? — Il serait fort agréable assurément pour nos lecteurs que nous leur racontassions la querelle du président, de la république et du général Changarnier ; mais quoi ? le public a des romanciers attitrés : il peut leur demander le récit de cette querelle. Cela veut-il dire que nous sommes prêts à jurer sur notre tête que le président de la république et le général Changarnier ont toujours été en toutes choses du même avis ? Il y a des gens qui entendent d’une façon singulière l’union des hommes d’état ; ils semblent croire que cela doit être une union à la manière des amoureux, union des cœurs et des ames. Ils font des idylles politiques. Nous n’en sommes pas là ; nous laissons la pastorale aux bergers de Florian ou de Gessner, et nous croyons que la parfaite identité d’opinions et d’idées n’est pas de notre temps. Nous nous contentons de penser qu’il importe peu entre gens sérieux que les avis ne soient pas toujours les. même en toutes choses, quand la conduite est la même dans les occasions décisives. Le président de la république et le général Changarnier ont pensé et parlé différemment sur un point : soit ! vous avez entendu leur entretien de tête-à-tête : soit : Nous demandons, quant à nous, si jamais ils ont agi différemment. Vous croyez savoir qu’ils ne sont pas d’accord, et vous vous donnez d’avance l’émotion du danger que doit créer leur division. Quant à nous, les voyant agir d’accord, nous continuons à jouir de la sécurité que nous donne cette bonne intelligence.

Il y a eu tout récemment une occasion où Paris a pu voir si le chef du pouvoir