Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/744

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sorte de curiosité passionnée du nouveau et du merveilleux qui agite l’esprit des peuples barbares ou extrêmement civilisés s’unissaient à l’amour du lucre et aux intérêts les plus matériels. L’envie de connaître des sauvages, de les combattre et de les soumettre, les espérances de gain fondées sur les chances de la pêche et du commerce, agissaient également sur les esprits des aventuriers, et étaient les deux causes principales de ces lointaines excursions. Et ce n’étaient pas seulement les Français qui se lançaient dans ces aventureuses entreprises : des Allemands et des Belges y prirent part aussi, mais lorsque déjà les colonies de l’Amérique du Nord allaient passer des mains de la France dans les mains de l’Angleterre. Cette émigration eut lieu quelque temps après la fondation d’Halifax, capitale de la Nouvelle-Écosse, et dont l’antiquité ne remonte pas plus haut que 1749. Ainsi, pendant deux siècles, ce petit coin de terre a subi des invasions : aussi nombreuses que l’Occident à l’arrivée des barbares. Là, les hommes qui remplaçaient les Celtes, et les Romains étaient les aborigènes, les sauvages indiens du pays. Chaque fois que les traités étaient rompus et que la guerre recommençait entre la France et l’Angleterre, les Anglais attaquaient et dévastaient les possessions françaises, et ruinaient leur commerce. Ces perpétuels combats durèrent jusqu’en 1760, époque à laquelle les colonies françaises, c’est-à-dire le Canada, l’Acadie, l’île du prince Édouard et le cap Breton, tombèrent entre les mains des Anglais.

Voilà, en résumé, toute l’histoire de ce petit pays depuis le jour où commencèrent les irruptions et les invasions successives : des peuples civilisés. Maintenant il n’y reste plus guère de traces de ses anciens maîtres. Les Français, qui en ont toujours été moins réellement possesseurs que du Canada, n’y ont laissé aucune marque de leur passage. Quelques familles protestantes, une ville habitée par elles, quelques villes et quelques villages habités par les descendans des émigrans hollandais et allemands, sont les derniers vestiges des anciens jours, si près de nous encore pourtant. Aujourd’hui la population est tout entière anglaise ou du moins anglo-saxonne ; Halliburton ne nous dit pas s’il reste çà et là quelques sauvages. Ceux des habitans de l’Acadie qui ne sont pas d’origine anglaise descendent de ces Américains connus sous le nom de loyalistes, qui, lors de la guerre entre les États-Unis et l’Angleterre, émigrèrent et se fixèrent dans les colonies et les îles du Nord de l’Amérique. Cependant il y a un fait qui frappe à la lecture d’Halliburton : c’est que les Anglo-Saxons sujets de l’Angleterre deviennent de plus en plus des Anglo-Saxons américains. Ils s’américanisent singulièrement. M. Blue Noze (nez bleu), le sujet de John Bull prend de plus en plus des allures et un ton d’Yankee. Ils commencent