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les préparations claires pour toutes sortes de sujets et à toutes les époques de sa vie.

La Femme adultère est probablement un des derniers tableaux très importans et entièrement historiques qu’ait faits Poussin. C’est aussi un de ses chefs-d’œuvre. Nous n’en parlons que pour en marquer la place, persuadé que nous sommes que ce bel ouvrage est dans toutes les mémoires. On a reproché à la figure du Christ son caractère un peu commun : le corps est trop court, défaut que Poussin a rarement évité dans les ouvrages de sa vieillesse. Cette imagination dramatique a indiqué par un personnage du second plan un contraste qui achève de donner au tableau sa signification morale : c’est une jeune femme qui, en voyant l’humiliation et le désespoir de la pécheresse, presse tendrement son enfant contre son cœur.


IV

La valeur de Poussin comme paysagiste n’a jamais été contestée. Nous n’avons donc pas à l’établir, mais à la définir et à l’expliquer. On dit assez généralement que le sentiment de la nature est né au XVIIIe siècle, avec Rousseau ; mais on oublie que la littérature n’est pas l’organe unique de ce sentiment, qu’elle n’en est même pas l’organe naturel et principal, et qu’elle ne l’exprime qu’à l’aide de figures très hardies, qui ne lui appartiennent pas en propre, et qu’elle emprunte aux souvenirs de la peinture. Ce qui est vrai, c’est que ce sentiment profond de la nature, qui la tient pour une réalité ne tirant sa signification que d’elle-même, est tout moderne. La peinture le doit à Poussin, la littérature à Rousseau.

Les Grecs mêmes, qui, en fait de beauté, ont tout connu, sont restés presque étrangers à ce sentiment, et, si on voulait en trouver l’origine antique, il faudrait la chercher dans l’Inde plutôt que dans la Grèce. Le panthéisme revêt la nature de toute la valeur qu’elle ôte aux individus ; l’homme se dépouille volontiers pour enrichir cette mère qu’il adore ; il s’abîme dans la contemplation en attendant qu’il s’anéantisse dans la substance de cette divinité superbe et terrible. L’anthropomorphisme grec, au contraire, appauvrit plutôt la nature pour en enrichir l’homme. La Grèce, idolâtre de la beauté, ne prend qu’une chose dans la nature la plus belle, la forme humaine ; elle la divinise et laissé tomber le reste, comme un lange désormais inutile à son enfant devenu dieu.

    et des deux enfans ; le reste, bien admirable cependant, manque en certaines parties de la sûreté de goût et de la largeur de style qui distinguent Poussin. L’autre est un tableaux les plus exquis de Poussin et de la peinture ; il doit être contemporain de l’Arcadie.