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une sanction plus haute, un système de réparation plus mystérieux qui survit à cette terrestre existence, pour combler les lacunes que présente ici-bas l’harmonie nécessaire de la vertu et du bonheur, pour consommer et couronner les vues de Dieu sur l’ame humaine ? Ce sont là des vues religieuses, dites-vous. Eh ! ne sont-ce pas aussi des vues raisonnables ? Si toute cette partie de nos espérances qui dépasse la présente existence et qui semble percer d’un jour encore trop incomplet les ombres d’ici-bas ; si ce pressentiment tout rationnel de la vie future ne peut que gagner en force et en douceur au concours d’une religion positive ; si la philosophie, dans ses scrupules de méthode et d’évidence, arrivée aux portes de l’immortalité, s’y arrête, n’est-ce pas la philosophie qui, sans autre secours que celui de l’observation sincèrement pratiquée, retrouve, au sein de l’ame humaine dénaturée par les faux philosophes et calomniée par les sceptiques de tous bords, la liberté, la raison, la règle, l’idée et le respect du bien, et toute la hiérarchie sacrée des vertus ? Quelle vertu, en effet, fait défaut à la liste dressée par la morale philosophique ? Serait-ce l’humilité ? Quoi ! l’observation, qui nous découvre l’étendue de notre esprit et de nos forces, n’en trouve-t-elle pas aussi les limites, hélas ! trop rapprochées ? Quel homme au monde fut plus humble que Socrate ? -Est-ce le respect de soi ? Le spiritualisme ne montre-t-il pas dans l’homme l’œuvre et en quelque manière le temple même de Dieu ? Qui eut plus de dignité que Marc-Aurèle ? — Serait-ce donc l’amour de l’humanité ? N’est-ce pas par la philosophie qu’éclate comme l’évidence l’égalité des hommes devant Dieu et devant le devoir qui les fait frères ? La philosophie n’a-t-elle pas eu ses martyrs ? — Nous ne retrancherons pas davantage la piété des vertus philosophiques. Comment ! la pensée se sera élevée à l’idée d’un Dieu qui a répandu dans le monde sa perfection et sa sagesse, qui a fait de l’homme l’instrument et, dans une certaine mesure, le but de ses desseins, l’observation suivra à la trace les témoignages partout présens de cette bonté, de cette puissance et de cette justice, et un cri de bénédiction et de reconnaissance devant toutes ces beautés et toutes ces grandeurs, un cri d’espoir au sein même de ces imperfections ne s’échappera pas du cœur frappé de vénération et pénétré d’amour ! Qu’on mette un terme à de vaines, à d’imprudentes déclamations. Ames honnêtes et. pieuses, cessez de dire que la philosophie, c’est-à-dire la raison méthodique et développée, ne va ni à Dieu, ni au devoir ! Cessez de prétendre que la pensée droite et régulièrement cultivée est incapable de trouver la règle de la vie, ou n’arrive qu’à une règle individuelle. Cette règle n’est ni impuissante ni arbitraire, car c’est l’obligation qui la fonde. L’obligation morale imposée à chacun, voilà le caractère distinctif, exceptionnel parmi les autres principes, qui s’attache à l’idée du bien ! Par elle, l’absolu