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Angleterre, qui, bien qu’éloigné des idées de bouleversement, leur prépare peut-être la voie : c’est un parti bourgeois, hostile à l’aristocratie, ce qui est très nouveau en Angleterre. Ce parti aspire à faire prévaloir en toute chose les intérêts de l’industrie sur ceux de la terre, c’est l’école de Manchester. Aujourd’hui il demande la réforme par une agitation à laquelle s’associe le chartiste O’Connor. Une révolution s’opère sourdement dans une portion de la classe moyenne. Cette classe moyenne, jusqu’à présent si respectueuse pour l’aristocratie, et qu’on voit encore en général si occupée de tout ce que fait celle-ci, cette classe moyenne qui, dans les voitures publiques, s’enquiert du nom du nobleman qui habite le château devant lequel on passe, du moment où il y viendra chasser, des hôtes qu’il y doit recevoir ; cette classe moyenne est, sur plusieurs points de l’Angleterre, insensiblement remplacée par une autre qui n’est point en respect devant l’aristocratie, qui n’a point le goût du passé, qui, en toute chose, aime le nouveau, que ce nouveau s’appelle libre échange, hydrothérapie, église indépendante, société de tempérance, orthographe phonétique, en un mot, est rationnelle et non traditionnelle. C’est principalement à Birmingham que ce mouvement m’a été signalé par des personnes, qui connaissaient le pays depuis plus long-temps que moi. J’en ai été frappé moi-même. J’ai entendu un jeune ministre dissident d’une grande éloquence, d’une renommée populaire et d’un caractère respecté, tonner contre l’aristocratie, et prophétiser l’avènement de la république en Angleterre. Je l’ai entendu en chaire prêcher contre le jeûne national devant un public choisi, appartenant aux familles les plus honorables de Birmingham. Ce sont là, si je ne me trompe, des signes précurseurs d’un changement radical dans les formes de la société anglaise.

L’édifice religieux, qui est le soutien de l’édifice politique, offre encore une façade parfaitement intacte. Personne n’élève la voix contre le christianisme. Lord Byron pour l’avoir attaqué, a perdu sa place dans le Panthéon des grands hommes, qui s’ouvre pour Addison ; le poète Shelley, qui avait le travers de se croire athée, a vu l’état lui enlever ses enfans. Les hommes les moins croyons sont prêts à combattre pour l’observation du dimanche ; mais cet édifice est lui-même composé de matériaux bien divers, bien incohérens. Il y a dans la toiture plus d’une poutre vermoulue, et dans les fondations plus d’une pierre rongée par le temps. L’église anglicane veut être protestante sans laisser à l’esprit aucune liberté. Les doctrines historiques des théologiens allemands, de ceux que, dans leur patrie, on accuse de pietisme, terrifient les docteurs d’Oxford et leur semblent l’abomination de la désolation. Cette prétention à l’omnipotence de l’église sur la raison, hors du catholicisme, est une gageure insoutenable ; bien que soutenue