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en travers d’un ruisseaux ; puis les wagons passent dedans et les vaisseaux passent dessous. À Conway, où un semblable pont est déjà exécuté, il n’a, en effet, d’autre appui que les deux bords du détroit ; près de Bangor, on a élevé des tours sur les rochers qui s’élèvent au milieu et des deux côtés du détroit de Menai. Le pont total se compose de quatre pont, qui ont chacun 460 pieds de long : c’est à peu près la hauteur de la grande pyramide.

Londres n’est pas l’Angleterre, comme Paris est la France. Si nous sortons de Londres, nous trouvons Manchester, qui ne désespère pas, avec Ie tems d’égaler la capitale, et qui commence à se comparer avec elle ; Birmingham, qui, par ses industries variées, se suffit à soi-même, et, sans vouloir le disputer à la métropole, se borne à n’en tenir nul compte ; Liverpool, dont les docks, plus étonnant que les docks de Londres, donnent encore mieux le sentiment du contact avec tous les points du globe. C’est là ce que devrait être Cadix, placé sur le chemin de l’Afrique, de l’Amérique et de l’Asie, mais Cadix, charmante ville assise sur son rocher, est une aimabe morte endormie sous ses palmiers, et dont le blanc linceul est baigné par l’Océan. Je n’ai pas vu Barcelone, mais j’ai peine à croire qu’on trouve là cette activité cyclopéenne de Manchester, de Leeds, de Sheffield surtout, Sheffield, cette grande forge aux millier cheminées, où incessamment la meule tourne et le marteau frappe, et qu’obscurcit une atmosphère de fumée, tandis qu’à deux pas les vertes prairies brillent au soleil.

C’est à Sheffield qu’il faut aller chercher ces bonnes lames auxuqelles même en anglais Tolède a donné son nom ; car la manufacture d’armes de cette ville est aujourd’hui dans un état déplorable, ou plutôt il faut s’adresser au duc de Luynes, qui a retrouvé le secret des vrais damas, et qui est une preuve vivante de l’inconvénient des situations héréditaires ; car, érudit du premier ordre et doué de la dextérité pratique des artisan inventeurs, s’il n’eût été duc et bien des fois millionnaire, il eût conquis par son savoir une position sociale élevée ou eût fait sa fortune comme ouvrier.

Presque autant que les usines et les fabriques, les vieilles cathédrales et les vieux châteaux couvrent l’Angleterre. C’est le contraste de cette Angleterre monumentale du moyen-âge avec l’Angleterre industrielle de nos jours, qui donne un si grand intérêt à ce pays pour le voyageur dont l’ame est ouverte à plus d’un genre d’impression. Je me trouvai à Birmingham pendant une exposition de l’industrie, admirant les produits de cette industrie si multiple, m’ébahissant devant les manufactures de tout genre, dans lesquelles j’allais contempler des machines qui coupent le fer comme du beurre, l’aplatissent comme du coton ou le crèvent comme du papier, ces intelligentes machines qui semblent changer de rôle avec l’homme en exécutant tout ce qui est difficile