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incroyable magnificence. Grace à leurs colonies, à leur commerce, à leurs flottes, les Anglais ont en oiseaux et en coquilles, des trésors aussi éblouissans pour l’œil du curieux qu’intéressans pour l’étude du savant, et tout cela se tient. Le public, admis trois fois par semaine, l’été pendant neuf heures, l’hiver pendant six, et toujours très nombreux, passe d’une richesse à l’autre. Il ne faut pas oublier que la bibliothèque est placée dans le même édifice. Le Musée britannique, c’est le Louvre, la Bibliothèque nationale de la rue Richelieu[1] et le Muséum du jardin des Plantes. Je ne connais aucun endroit du monde où l’on puisse, passer plus d’heures intéressantes et profitables qu’au Musée britannique. Sauf le musée et l’Armeria, qui contient une collection d’armes plus curieuse que tout ce qu’on voit en ce genre à la Tour de Londres, Madrid n’offre pas un grand intérêt ; la nature, aux environs, est laide, le climat rude, la ville sans caractère. On ne trouve guère le cachet espagnol que dans la physionomie et le costume de la partie féminine de la population.

Cette population et celle de Londres sont comme on peut croire, loin de se ressembler. Pour sentir vivement ce contraste, je n’ai qu’à me transporter en esprit de la Puerta del Sol dans le Strand : ce sont les quartiers les plus animés des deux capitales. Là une foule d’oisifs de toute condition, les uns couchés sur les marches d’une église, les autres devisant par petits groupes l’indolente cigarette à la bouche, et respirant paisiblement l’air et le soleil ; ici, une multitude pressée, affairée, qui ne s’arrête point, qui ne fume point, qui ne forme point de groupes pour causer paresseusement, mais qui roule rapide et muette comme un fleuve dont le lit est plein. Si vous prenez le pas du flâneur, immédiatement vous recevez un coup de coude. Vous avez arrêté celui qui vous suivait et qui vous heurte en vous dépassant. Joignez à ce courant humain des cabriolets de place qui vont comme le vent, une file d’omnibus qui se touchent de si près, qu’il n’arrive presque jamais de les attendre, et qu’il s’en trouve toujours un à votre portée quand il vous prend la fantaisie d’y monter. Voila le spectacle que présente une grande partie de la ville. Imaginez enfin un large fleuve sillonné d’Omnibus à vapeur partant toutes les minutes d’un point ou d’un autre, se croisant sans cesse, quais mobiles, pour ainsi dire, qui remplacent les quais véritables, d’où l’on voit la ville se dérouler à droite et à gauche comme une décoration, et, si l’on descend la Tamise au-dessous de Londres, s’élever ce qu’on est convenu d’appeler une forêt de mâts : je le veux bien ; mais alors il faut que, comme dans Macbeth, ce soit une forêt qui marche. Imaginez tout cela, si vous le

  1. Celle-ci contient, il est vrai, bien plus de livres et de manuscrits, et au Musée britannique il n’y a point de tableaux.