Les Anglais appellent les Espagnols une nation bigote ; mais je n’ai rien trouvé en Espagne qui approche en ce genre de la fureur avec laquelle un parti religieux vient d’accueillir une mesure qui a pour but, non d’autoriser la distribution des lettres à Londres le dimanche, pourrait admettre un moment la pensée d’une telle énormité ! — mais d’employer quelques commis à expédier plus loin les lettres qui, ce jour-là, passent par Londres. Pendant que j’étais dans cette ville, je voyais les murs couverts d’immenses placards sur lesquels on lisait les protestations furibondes de ceux qui, voyant dans cette mesure le plus grand des malheurs, la desécration du sabbat (ce n’étaient pas des Juifs), dénonçaient à d’indignation publique, ce qu’ils appelaient avec modération le crime gigantesque. Quand la superstition est encore aussi florissante dans la capitale d’un peuple éclairé, ce peuple ne doit pas se montrer trop sévère pour les superstitions plus poétiques au moins d’un autre peuple ; car il n’en est pas de plus contraire à la lettre comme à l’esprit du Nouveau-Testament, non pas certes que l’observation raisonnable du dimanche, mais que le fanatisme du sabbat.
Quant aux capitales des deux royaumes, ce serait méconnaître Londres que de lui comparer Madrid. On ne peut comparer à Londres que Paris. Paris l’emporte certainement sur Londres par ses quais, ses boulevards, ses monumens ; mais il offre moins de grandeur, moins d’espace, des rues moins larges, un aspect moins imposant. Paris, quand on vient de Londres, fait un peu l’effet d’une charmante ville de province. Pour Madrid, c’est une capitale moderne où il n’y a guère à admirer que des collections, d’abord un merveilleux musée de peinture, qui renferme à la fois les chefs-d’œuvre de l’école espagnole et beaucoup de chefs-d’œuvre des grands maîtres de toutes les écoles, à commencer par Raphaël ; ensuite, le musée d’histoire naturelle, très pauvre à certains égards, mais possesseur d’un trésor unique, le squelette antédiluvien du mégatherium, et d’une collection de minéraux qui, pour la beauté et la grandeur des échantillons n’a pas, je crois, d’égale dans le monde. Pourtant ces richesses sauf les tableaux, ne sont rien auprès de celles que renferme le M usée britannique. Là, sous le même toit, sont réunis les chefs-d’œuvre dont Phidias avait orné le Parthénon et qui montrent ce qu’était, dans Athènes, l’art grec, à l’époque de sa plus haute perfection ; les bas-reliefs du temple arcadien de Phigalie, qui font voir ce qu’était dans le même temps l’art grec en province ; les bas-reliefs du monument consacré à Mausole par Artémise ; le musée lycien, unique en Europe ; le musée assyrien qui m’a paru inférieur à celui de Paris, ce qui lui permet d’être encore infiniment remarquable ; le musée égyptien, très riche et admirablement arrangé sous la direction savante de M. Birch ; .la collection des antiquités grecques, si bien confiée aux soins de M. Newton ; les collections d’histoire naturelle, d’une