portait un petit manteau noir, et lui demandai où je devais me placer. Il se mit à marcher devant moi, et, m’ayant conduit dans le chœur, m’indiqua une stalle dans laquelle je m’établis. Comme la hiérarchie est partout en Angleterre, il y avait pour le premier rang un livre de prières in-folio, un livre in-quarto pour le second rang, un livre in-douze pour le troisième, tous du reste magnifiquement reliés en maroquin rouge. On m’avait mis au second rang, à l’in-quarto. Le service commença ; on lut des prières et des passages de l’Écriture. Au lieu des beaux et simples chants qui se font entendre ordinairement dans les églises protestantes, c’était une psalmodie nasillarde très désagréable. Tous les assistans offraient l’aspect d’un grand, recueillement extérieur : chacun était immobile ; sans tourner la tête, sans lever les yeux. Au bout d’un certain temps, j’avoue que je commençais à être frappé de la monotonie du service anglican. Les prières, les psaumes, les passages de l’Ancien et du Nouveau-Testament, se succédaient sans motif apparent. L’office catholique forme un ensemble, et si j’osais le dire, un drame sacré qui marche et se développe, qui a un commencement, un milieu et une fin ; mais ici il n’y avait nulle raison pour que cette série d’exercices pieux sans lien et sans but final eût un terme. Aussi ne se terminait-elle pas. Elle ne fut interrompue que par la lecture d’une dissertation sur un point d’histoire ecclésiastique. Cette froide lecture remplace notre sermon. Du reste, une fois pris au piége de ma dévote curiosité, il me fallut aller au bout du service, qui dura deux heures et demie. Là où tout le monde est immobile, où l’on est confus de tousser, où se moucher est presque un scandale, se lever et sortir est impossible. L’évêque seul, ce qui m’étonna un peu, prit cette permission et disparut pendant une heure environ pour ne reparaître qu’à la fin de la cérémonie, ce qui me sembla un singulier, mais fort enviable privilège de sa dignité. Du reste, je n’aperçus dans l’église ni un homme ni une femme du peuple ; je ne sais si on leur permettrait d’entrer. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’ils n’y viennent pas. Les méthodistes recueillent dans leurs chapelles les classes inférieures, pour lesquelles, à en juger par Durham, il n’y a point de place dans les cathédrales.
Les églises espagnoles sont ouvertes à tous : le mendiant y coudoie le grand seigneur ; là c’est l’excès contraire. Le laisser aller y domine comme le formalisme en Angleterre, et je crois qu’il y a plus de piété chez ces jeunes Anglaises qui, sans faire un mouvement, se levant ou s’asseyant comme par ressort, pendant deux heures ne détournent pas les yeux de leur livre de prières, que chez les belles Espagnoles vêtues de la mantille noire le voile noir rejeté en arrière de la tête, que je voyais assises par terre, dans des églises de Cadix, entendre ainsi la messe en jouant constamment de l’éventail et du regard.