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Des murs nus et froids à regarder. Nulle peinture, si ce n’est parfois un tableau isolé au fond du chœur, laissé là comme par grace, et que j’ai été étonné de trouver dans plusieurs cathédrales, notamment à Lincoln et à Winchester. Du reste, nul autre ornement que des tombaux, et en général quels tombeaux ! Rien de plus médiocre que les trois quarts au moins des tombes de Westminster et des monumens funèbres de Saint-paul. Dans cette dernière église, combien l’on sent ce froid dont je parlais tout à l’heure ! combien la nudité des murailles, l’absence de tout tableau « de tout ornement, oppresse le cœur ! Les tombeaux rangés alentour n’ont rien de religieux ; rien ne rappelle la religion : ses mystères, ses souvenirs, ses personnages, sont absens. C’est un musée, et un musée dénué de chefs-d’œuvre ; c’est un temple de la gloire humaine, ou mieux de la gloire anglaise, dans lequel elle s’entoure de ses saints et de ses martyrs, c’est-à-dire de ses magistrats et de ses capitaines. Je me sentais en vérité moins de dévotion pour cette invisible et orgueilleuse divinité que pour l’humble et populaire madone espagnole, toute parée qu’elle était de taffetas, de pompons et de dentelles. L’aspect glacial du chef-d’œuvre de Wren me faisait regretter les chapelles ornées à l’excès, j’en conviens, de Burgos, de Séville et surtout de Tolède. Ce qu’on pourrait opposer en Angleterre aux merveilleuses cathédrales des villes que je viens de nommer, ce sont les miracles de l’architecture gothique, les cathédrales de Lincoln, d’York, de Durham, de Salisbury, de Winchester, de Glasgow, qui offrent toutes des types si variés et si remarquables. Sur le terrain de l’architecture du moyen-âge, l’Angleterre ne craint nulle comparaison. Je reviendrai tout à l’heure à la question de l’art en lui-même, je ne parle en ce moment que du rapport des édifices sacrés avec le sentiment religieux.

Cette froideur du style employé dans la décoration des églises se retrouve dans le culte, surtout dans le culte officiel. Autre chose sont les sermons populaires, tels qu’on les entend le dimanche dans les promenades publiques à Londres et tels que je les ai entendus, au milieu des rues d’Édimbourg, prêchés avec un singulier mélange d’exaltation et de bouffonnerie par les successeurs directs des puritains de Walter Scott ; mais le service divin, tel qu’il s’exécute dans les églises, et surtout dans les églises épiscopales, est ce que je connais de plus glacé. Il me revient encore à ce sujet un souvenir qu’on me permettra de citer parce qu’il peut donner une idée de la physionomie du culte anglican.

Je me trouvais à Durham un dimanche. Au moment où je venais de visiter la cathédrale, je m’aperçus que le service divin allait commencer. J’eus la pensée d’y assister ; mais, voyant que toutes les places semblaient avoir un propriétaire, je m’adressai à un monsieur qui