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goûte peu, mais qui transporte d’admiration une multitude enivre, Cette multitude elle-même forme la partie la plus curieuse de ce tableau, qui repousse et attache tout ensemble, dans lequel l’horrible et le gracieux se confondent, et qui laisse l’ame comme éblouie par le sourire des femmes, la splendeur du soleil et l’éclat du sang.

Au pied des vieux remparts de Chester, sur une verte et fraîche prairie, dans une brume légère, étaient paisiblement assis ou se promenaient sans bruit des hommes et des femmes dont le costume n’avait rien de pittoresque. Cette foule attendait patiemment que le moment fût venu de jouir sans trouble de l’élégant et innocent spectacle qui se préparait. Ce moment venu, quand les chevaux passaient comme l’éclair devant les spectateurs, il y avait bien parmi ceux-ci un mouvement d’intérêt pour le concurrent qui dépassait les autres ou pour celui qui était distancé par un rival plus heureux ; mais cette émotion disparaissait presque aussi vite que l’objet qui l’avait fait naître. La véritable émotion était ailleurs, et elle ne se trahissait par aucun signe : c’était celle des parieurs, qui, impassibles, perdaient ou gagnaient des sommes considérables. Un intérêt d’argent était au fond de ce plaisir, comme de presque tout en Angleterre. Un autre signe de l’Angleterre, c’était le chemin de fer passant sur un viaduc qui bordait une extrémité de l’hippodrome. On vit les trains courir à travers les airs et lutter avec les locomotives animées qu’ils remplacent presque partout. Cette fois, la vapeur n’avait pas l’avantage ; elle n’égalait point la vitesse des rivaux qu’elle est accoutumée à devancer. Il est vrai qu’elle ne cherchait pas à l’atteindre. Si la vapeur l’eût voulu, elle eût gagné le prix.

Mieux encore que dans les plaisirs, la diversité des deux peuples se manifeste dans ce qu’il y a chez l’homme de plus profond, de plus intime, dans la religion.

Entrez dans une église espagnole, et vous serez ébloui du luxe d’ornementation qui frappera vos regards. Partout vous serez ébloui du luxe d’ornementation qui frappera vos regards. Partout des tableaux dont le coloris chaud, riche, puissant, même lorsqu’ils n’ont pas un grand mérite, rappelle l’école à laquelle ils appartiennent. Parmi ces peintures vulgaires, on rencontre des chefs-d’œuvre de Murillo ou de Zurbaran. D’admirables sculptures en bois révèlent un talent qu’on ne peut guère admirer ailleurs ; on est surtout frappé de la magnificence des retablos qui sont placés au-dessus des autels, immenses tableaux composés à la fois de figures peintes et de figures sculptées, dans lesquels la dorure étincelle au milieu des couleurs, où l’architecture mêle l’effet de ses saillies et de ses profils à l’éclat des peintures et au relief des statues : décoration d’une incoryable richesse, souvent surchargée, toutjours splendide.

Passez de l’église espagnole à l’église anglaise, que voyez-vous ?