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ou les caricatures du Charivari ; César en riait lorsqu’ils étaient plaisans.

Cicéron ni la société de son temps n’avaient au fond de l’ame ces doctrines qui soutiennent encore l’homme, quand les événemens de la vie semblent l’avoir terrassé. — Nulle croyance religieuse dans les esprits ; le paganisme se mourait comme la république, et le christianisme n’était pas encore né. C’était comme un interrègne de Dieu. Les esprits erraient dans cette profonde nuit dont les ombres redoublent aux heures qui précèdent le lever du jour. La religion qui avait fondé Rome, consacré par quelque prodige chacune de ses institutions qui lui avait promis et donné l’empire du monde, cette religion avait disparu. César avait pu dire en plein sénat, dans son discours contre Catilina, que rien ne subsistait de l’homme après la mort, et que les enfers étaient de vaines fables auxquelles le peuple même ne croyait plus. Il n’y croyait plus en effet ; les antiques cérémonies n’étaient plus pour le Romain que des formes vides, qui avaient cessé de lui imposer. Le culte des vestales, le feu sacré, image visible et symbole de la ville éternelle avaient encore quelque pouvoir sur l’imagination ; ils n’en avaient plus sur l’ame et la conscience.

Et cependant, en ces temps-là même, les doctrines rigoureuses et sublimes de Zénon triomphaient dans quelques ames d’élite. Le stoïcisme est la protestation la plus éclatante de l’esprit humain en faveur de sa propre dignité, l’acte le plus énergique de sa puissance. Les systèmes matérialistes enchaînent l’homme à la terre et y confinent sa pensée. La religion l’enlève jusqu’au ciel ; mais, là aussi, la grandeur qui lui est propre se perd et s’anéantit dans l’infinie grandeur. — Je ne sais par quelle vigoureuse et sublime spontanéité le stoïcisme élevait et soutenait l’homme dans une région particulière, à une hauteur qui n’est pas le ciel, et où la terre a déjà disparu : par une inconséquence qui fait sa gloire, le stoïcisme méprisait les choses de ce monde sans se sentir enflammé pour celles de l’autre. Parvenu à ces sommets de la pensée que dépassent seules la foi et l’extase, l’homme regardait d’en haut toutes choses, et je ne sait quel orgueil austère de ne devoir qu’à lui-même son élévation suffisait à son cœur.

Toutefois cette doctrine ne put jamais avoir que de rares disciples la philosophie sensuelle, les dogmes d’Épicure, trouvaient au contraire dans toutes les tentations de la vie romaine, dans les dérèglemens de l’esclavage, des auxiliaires puissans qui propageaient rapidement ses poisons. C’était la philosophie du jour ; elle régnait à Rome et avait empoisonné tous les cœurs. Peu à peu l’arbre portait ses fruits, les mœurs s’étaient corrompues comme les doctrine ; les auteurs du temps nous ont laissé de cette société des peintures qui, grace a Dieu, seraient calomnieuses pour la nôtre. Quand