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verve de mauvaise humeur la méthode psychologique, il y préfère franchement une sorte de divination appliquée à l’avenir et même au passé. En embrassant cette méthode, mieux appropriée, selon lui, à la faiblesse humaine, M. Cousin s’y attacha-t-il dans l’exacte mesure où elle épuise l’observation sans s’y confiner à tout jamais, où elle s’élève plus haut sans tomber dans l’hypothèse ? Écoutez M. Schelling et tout le chœur des philosophes de l’Allemagne ; ils vous diront qu’il s’y arrête à l’excès et qu’il a trop sacrifié à la connaissance particulière et technique de l’homme, à la méthode d’observation, la philosophie de l’absolu et la connaissance ontologique. Écoutez M. Hamilton et les Écossais, M. Jouffroy et ses élèves ; ils vous répondront qu’il sacrifie beaucoup trop à l’abstraction et au culte de l’absolu. Sans approuver la timidité excessive de M. Jouffroy et d’Hamilton, il est permis de penser que M. Cousin a pu être taxé d’une hardiesse fort voisine de la témérité, dans certaines thèses de métaphysique et de philosophie de l’histoire. Quant au reproche de pusillanimité, on a besoin, pour ne pas s’en étonner, de savoir de quelles gens il part. Les grands philosophes qui l’adressent au chef de l’éclectisme ont, à vrai dire, de bonnes raisons pour être fiers, puisqu’ils adorent Dieu dans l’esprit humain et l’esprit humain sous leur propre image.

Entrerons-nous plus avant dans ces détails, et, suivant pas à pas les progrès de la pensée de M. Cousin, montrerons-nous le professeur de 1817 prenant possession d’une métaphysique plus complète, peu à peu dépassant l’horizon de Reid et de Steward, dont les indécisions et la timidité trop circonspecte lui semblaient avec raison hasarder les solutions à force de les ajourner et préparer les voies à un scepticisme nouveau sur les ruines du scepticisme de David Hume ? Le ferons-nous voir osant rouvrir la porte à ces brillans systèmes, quelques-uns diront à ces songes dorés de la métaphysique dont M. Royer-Collard avait gardé si sévèrement la clé ? Dirons-nous enfin qu’attribuant ce retour périodique et désastreux du scepticisme à une solution vicieuse du problème de l’origine des idées, à une définition fautive de cette faculté que les philosophes appellent éminemment la raison, et à une énumération incomplète, inexacte de ses élémens, il en présenta une analyse étendue et les réduisit aux deux catégories fondamentales de la substance et de la cause, dont il réhabilita, décrivit, développa le rôle ? Nous craindrions que toute cette science, si pleine d’intérêt sous la plume du grand écrivain, n’en eût beaucoup moins sous la nôtre. Nous remarquerons seulement que rétablir le caractère absolu de ces principes, les arracher à l’origine vulgaire de la sensation, les rattacher à Dieu sans en déposséder l’homme, ce n’était pas là, tant s’en faut, une couvre indifférente contre l’athéisme en vigueur. L’exemple de la philosophie du XVIIIe siècle, aussi bien que toute la tradition philosophique,