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de salut plus que jamais qu’en s’y soumettant. Nous reconnaissons à la philosophie un double devoir : se conformer d’abord à ce qu’il y a d’universel et d’immortel dans la religion, dans la morale, en un mot dans la foi de l’humanité, mais s’y conformer pour l’élever peu à peu à son propre niveau. En admettant des vérités inspirées, et, à côté de cette spontanéité où il voit une révélation permanente et directe de Dieu, la faculté, le besoin et le droit inviolable de la réflexion, source de tout progrès, M. Cousin a jeté les fondemens d’une philosophie qui, sous la condition de demeurer fidèle à son programme, ne risque d’être ni révolutionnaire ni rétrograde.

Le sens commun n’est qu’une règle, l’éclectisme n’est qu’un moyen. Pour s’orienter dans l’histoire des philosophies, pour faire un choix, il faut un criterium. L’érudition fournit des documens, non le principe qui les assemble et les ordonne. L’éclectisme est le dossier, il n’est pas la cause. Ce qui fournit le principe, ce qui instruit la cause, selon M. Cousin, c’est la psychologie, c’est-à-dire l’observation de l’ame par elle-même prise pour méthode supérieure.

Ici commence le grave dissentiment qui s’élève entre l’école psychologique spiritualiste et les diverses écoles théocratiques d’une part et socialistes de l’autre. L’école théocratique, par l’organe de l’auteur de la Législation primitive, explique, par certaines traditions religieuses substituées à l’observation psychologique et interprétées arbitrairement, tout le développement intellectuel et moral de l’humanité ; elle considère l’esprit humain comme radicalement incapable d’arriver sans la révélation à une moralité quelconque. C’est ce qu’on a appelé le scepticisme théologique. La méthode psychologique le combat en étudiant dans leur origine les idées de bien, de vrai, de morale, de religion naturelle.

D’un autre côté, les sectes sociales qui naissent sous la forme du saint-simonisme s’établissent de plain-pied dans l’histoire de l’humanité prise en masse méthode commode qui, s’appuyant sur des données presque toujours fort obscures en elles-mêmes et obscurcies encore par l’hypothèse, parvient aisément, à l’aide de l’esprit prophétique, lequel ne fait jamais défaut, à justifier la théorie à laquelle on s’est juré de donner raison. Ce procédé d’analyse patiente recommandé par M. Cousin, qui saisit et montre dans l’homme un être moral, intelligent, mais borné dans son savoir, sensible, mais limité dans son bonheur par les conditions même de sa nature, actif, mais dont la liberté, fort différente de l’instinct, trouve dans la raison des règles obligatoires qui la gouvernent ; ce procédé, sans lequel la raison ne saurait elle-même s’élever jusqu’à la conception d’un Dieu, un et simple comme le moi, ne pouvait convenir aux docteurs de l’athéisme et du panthéisme. M. Pierre Leroux ne s’y est pas mépris. Flétrissant avec une curieuse