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au sien. Je plus complet accord se faisait d’ailleurs remarquer pour la suppression immédiate des derniers vestiges du servage, pour l’admissibilité des citoyens de toutes les conditions aux emplois publics, sans autre distinction que leur valeur personnelle.

Danis l’ordre moral, on admettait unanimement les points suivans : liberté de la presse sous le régime de lois purement répressives, éducation des enfans pauvres et abandonnés aux frais de l’état, liberté des cultes pleinement acceptée au point de vue constitutionnel par le clergé lui nième, qui se borne à demander que la religion catholique conserve la qualité de religion de l’état.

Pour l’ordre judiciaire, tous les cahiers réclamaient avec une insistance égale l’unité de législation en matière civile et criminelle, la suppression de toutes les juridictions exceptionnelles et privilégiées, la publicité des débats, la formation d’une jurisprudence commune à tout le royaume, la réforme et la codification des lois de procédure, la refonte et l’adoucissement des lois pénales. Il en était ainsi, dans l’ordre administratif, pour la création d’assemblées provinciales contrôlant la gestion de tous les délégués de l’autorité royale, pour l’unité des poids et mesures, et pour l’étude d’une nouvelle division électorale du royaume d’après la double base de la population et du revenu. Enfin, dans l’ordre économique, on proclamait généralement la liberté de l’industrie, la liberté de circulation, la suppression de toutes les douanes intérieures, le remplacement de la gabelle, des tailles et de la capitation par un système d’impôt territorial et mobilier établi de manière à ne pas élever le prix des matières premières et à atteindre tous les fruits sans jamais affecter le capital.

Tel fut le résumé des vœux de la France solennellement consultée. C’était là le fruit mûri par la nature et par les siècles, le résultat combiné du génie historique et du progrès contemporain. Jamais plus vaste ensemble de vues politiques ne sortit d’une enquête nationale, et l’Europe n’a guère trouvé, après soixante années, rien de plus fécond que ces réformes, sorties au début de nos malheurs du noble cœur de tout un peuple.

Plusieurs points délicats restaient sans doute à débattre entre le tiers-état et les deux anciens ordres privilégiés, et ces points ne pouvaient manquer d’engendrer les plus dangereuses collisions, si la force modératrice de la royauté n’intervenait pas en temps utile pour imposer une transaction nécessaire. Apres les concessions spontanément faites et les principes proclamés par les privilégiés, après les sacrifices qu’ils consommèrent plus tard sans hésiter, il demeure démontre que ces difficultés touchaient bien moins aux intérêts qu’aux amours-propres, et que pour les résoudre il s’agissait beaucoup plus de ne pas blesser un juste orgueil que de maintenir des avantages matériels