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être supérieure. Ce n’est pas qu’à ces premiers débuts, et notamment jusqu’en 1817, le philosophe, j’entends par là surtout le métaphysicien et le psychologue, fût déjà chez lui entièrement formé. Le fervent adepte étalait les trésors d’une science de fraîche date avec la plénitude un peu surabondante qui dénote les convictions jeunes et les idées récemment acquises. Ce qu’il venait d’apprendre, tout ravi il l’enseignait, et chaque découverte, dans ce merveilleux pays de l’inconnu, avait pour lui, presque autant que pour ses auditeurs, l’attrait piquant, j’allais dire le charme enivrant d’une surprise renouvelée chaque jour. Ce fut au reste un lien sympathique de plus entre le maître et ses jeunes disciples que ce premier enchantement de la science qui leur était commun, et M. Jouffroy, dans un testament philosophique dont le fanatisme révolutionnaire n’a pas manqué d’exploiter les paroles en les tournant et contre lui-même et contre M. Cousin, a pu dire qu’un maître plus mûri eût été moins écouté, moins influent, eût moins bien atteint son but en y visant d’une manière plus directe. Mais, si le métaphysicien n’est pas encore accompli, on peut dire que la philosophie et le haut libéralisme possèdent déjà dans l’orateur de vingt-trois ans un admirable apôtre. Il n’est aucun livre dans notre littérature philosophique qui offre, selon nous, un caractère analogue à ces cinq volumes ouvrant la série des cours de M. Cousin : c’est l’enthousiasme d’une ardente jeunesse au service d’une raison qui s’est soumise aux laborieuses épreuves de la science, un stoïcisme qu’anime et assouplit un feu d’imagination partout répandu, une façon valeureuse de regarder en face les problèmes, et, sans négliger, en affichant même, en multipliant un peu trop les précautions et les démarches d’une savante méthode, de monter, pour ainsi dire, à l’assaut des solutions, enfin un sentiment exalté du beau et du bien dont l’expression pénètre et subjugue. Tout, dans ces volumes, moitié dogmatiques, moitié historiques, est abondamment nourri de preuves, et le style, animé par ce désir de convaincre, y prend quelque chose de communicatif qui rend avec un rare bonheur toute cette science attrayante et aimable. Dans les écrits postérieurs, M. Cousin sera plus concis, plus serré, quelquefois encore plus véhément, disons aussi, par suite, plus impérieux, plus tranchant. Maître non plus seulement de ce qu’il pourra appeler son système, mais de sa renommée, d’une renommée qui aura suscité jusqu’en Amérique des disciples et des contradicteurs, il maniera sa pensée avec une autorité plus imposante, comme un homme qui parle de plus haut pour être entendu de plus loin. Dans ces cinq premières années, il fortifie ses positions et s’applique à les rendre invincibles. Aussi le spiritualisme est-il là, on peut le dire, presque au complet, un spiritualisme savant sans doute, mais le plus souvent