de bonnes mesures administratives et des lois de finances comme celles, par exemple, que le gouvernement soumet en ce moment à son approbation. Les deux prises d’armes contre l’Autriche et les frais de la guerre à payer ont mis à sec cette belle réserve métallique que le roi Charles-Albert avait amassée pour le jour où sa race jetterait son enjeu dans les plaines de la Lombardie. Les ressources futures de l’état ont été aussi entamées. Le gouvernement sarde propose en ce moment aux chambres de contracter un emprunt de 4 millions de rente ; le capital que représente cette somme n’est assurément pas trop considérable pour combler les découverts du trésor et les dépenses urgentes. 36 millions à payer à l’Autriche, 4 millions à la banque de Gênes, 10 millions pour le remboursement de bons du trésor, 5 millions à affecter à l’amortissement de l’emprunt de 1848, 15 ou 20 millions que réclament les travaux de chemins de fer commencés et qu’on ne peut laisser interrompus sans un déchet énorme, tel est le bilan qu’a présenté à la chambre M. Camille de Cavour, dont l’expérience en ces matières est incontestée, et dont la parole acquiert de jour en jour une plus grande autorité dans le parlement. M. de Cavour a soutenu avec talent le projet de loi du ministère, et c’est avec un vrai plaisir qu’on voit se produire à la tribune piémontaise, où tant de vaines déclamations avaient jusqu’ici retenti et retentissent encore, un exemple de cette éloquence claire, pratique, nourrie de faits, qui est le vrai style parlementaire. Le discours de M. de Cavour est d’un bon augure pour l’avenir.
Jusqu’à présent, les avocats de la gauche avaient à Turin le dernier mot dans les discussions ; désormais, ils devront céder le pas aux esprits pratiques, aux véritables hommes de gouvernement. Parmi ces derniers, le ministre de l’intérieur, M. Galvagno, a pris une bonne place à côté de M. d’Azeglio par la manière dont il a su conduire la délicate affaire des élections. Il est juste de citer également le sénateur Nigra, ministre des finances. M. Nigra était, avant d’être ministre, le premier banquier de Turin. Sa capacité est reconnue, et il possède en outre une qualité que l’ombrageuse délicatesse du caractère national exige impérieusement, avant toute autre, de ceux qui prennent part à l’administration de la chose publique : il faut au vieil honneur piémontais des réputations non-seulement sans reproche, mais encore telles que l’ombre d’un soupçon ne les puisse atteindre. Le double renom bien constaté de M. Nigra doit faire espérer que les finances sardes verront réparer le désordre immense dans lequel elles sont tombées. Avec un peu de résolution et d’habileté, il ne sera pas difficile, d’ailleurs, au gouvernement du roi Victor-Emmanuel de faire jaillir de nouvelles ressources d’un pays jusqu’à présent fort ménagé, et où il existe pour l’impôt plus d’une source encore intacte.
Au demeurant, la situation est bonne, et il ne tient qu’aux Piémontais de l’améliorer. Pour cela, certaines questions de drapeau et de cocarde nous paraîtraient inopportunes à soulever. Ce qui est fait est fait. Le Piémont a assez noblement conquis ses couleurs pour que personne, pas même ses adversaires, songe à les lui contester. Il serait donc peu raisonnable de se donner des airs de défi au moment où les relations normales se renouent avec les puissances étrangères. C’est au dedans qu’il faut s’occuper, nous le répétons encore. Rétablir les finances, restaurer l’administration, réglementer le système électoral et la presse, pousser la construction des chemins de fer, etc., voilà plus qu’il