attendons, mais en même temps n’hésitons pas à déclarer que nous trouvons justes et légitimes les plaintes de la Prusse et de l’Autriche, puisque les réfugiés allemands de la Suisse sont pour l’Allemagne une cause d’inquiétude ; n’hésitons pas non plus à dire qu’en pareil cas nous agirions de même.
Eh quoi ! dira-t-on, vous vous joindrez d’intention, sinon d’action, aux oppresseurs de la Suisse. — En quoi la Suisse sera-t-elle opprimée parce qu’on l’empêchera d’inquiéter l’Allemagne ? — Mais si la Prusse et l’Autriche victorieuses veulent faire une contre-révolution en Suisse, si l’invasion étrangère amène le triomphe du Sonderbund ? — Chaque phase de l’intervention diplomatique ou militaire qui se prépare en Suisse devra être observée avec soin ; car chaque phase aura sa politique, et nous aviserons, suivant en cela le vieux et sage proverbe : A nouveau fait, nouveau conseil. Ce que nous voulons seulement dire aujourd’hui, c’est que nous aurions grand tort de donner un appui quelconque à la démagogie, qui est le mal certain du jour, par crainte de l’absolutisme, qui n’est que le mal éventuel de l’avenir.
— En Piémont, le traité de paix est ratifié, et le régime représentatif fonctionne, tant bien que mal, péniblement si l’on veut, mais enfin il fonctionne, c’est l’essentiel. La machine gouvernementale, que l’impéritie de certains conducteurs avait fait dérailler et conduite au bord du précipice, est désormais replacée sur sa voie ; il est bon qu’elle chemine d’abord avec précaution et en évitant avec soin de nouveaux chocs. Aujourd’hui que la sécurité est rétablie aux frontières, en même temps que la liberté a été préservée au dedans par la prudente énergie de M. d’Azeglio et de ses collègues, le Piémont a surtout affaire de réparer silencieusement ses pertes, de panser ses blessures et de réorganiser les divers services intérieurs que deux années de guerre et d’agitation ont profondément ébranlés. « Il faut que le Piémont se fasse, pendant quelque temps, oublier par la diplomatie étrangère. » Ce propos caractérise parfaitement la situation, et si, comme on le dit, il a été tenu par le roi Victor-Emmanuel, il témoigne d’un judicieux coup d’œil et d’une grande sagesse politique.
Il est des rêves qu’il faut ajourner, des pensers qu’il faut laisser dormir ; il est aussi des illusions dont les derniers événemens ont démontré la vanité, et dont il faut se défaire, sous peine de compromettre irrémédiablement les véritables et solides destinées que l’avenir réserve. Si l’Italie, jusqu’à présent, a manqué au Piémont, le Piémont ne doit pas se mettre dans le cas de manquer un jour à l’Italie. Au lieu de risquer sa propre existence et d’attirer l’ennemi sur le dernier rempart de l’indépendance italienne, sa mission aujourd’hui est de réaliser pacifiquement, par l’exercice des libertés constitutionnelles, le type sur lequel les divers états de la péninsule devront, par la suite, tôt ou tard, se modeler, de constituer le vigoureux centre de gravité qui devra attirer et condenser les fragmens épars de la patrie commune. Telle était autrefois la vieille politique de la maison de Savoie ; c’était la bonne, elle avait le temps pour principal auxiliaire. On s’est mal trouvé d’avoir voulu marcher trop vite. Les événemens ne semblent-ils pas aujourd’hui commander d’y revenir ?
C’est pourquoi nous voyons avec plaisir le parlement de Turin occupé à discuter