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nous sommes heureux de nous rencontrer avec lui dans le même regard sur les causes du mal. Nous sommes heureux de dire avec lui que c’est le lieu de beaucoup se confesser les uns aux autres, et de peu s’accuser.

Ces sentimens sont, nous n’en doutons pas, dans le cœur de M. l’évêque de Langres ; mais ils ne sont pas dans son discours, ou, s’ils y sont, ils sont, chose étrange, dans la partie politique plutôt que dans la partie épiscopale. Comme politique,.M. de Langres consent à ce concert d’efforts de l’esprit ecclésiastique et de l’esprit philosophique, de l’église et de l’Université, qui est le but de la loi ; mais, comme évêque, il croit que ce concours est mal entendu, que l’église peut se passer de l’Université, qu’elle n’a pas besoin du concours des laïques pour sauver la société et pour se sauver elle-même. M. de Langres veut bien que l’église vienne au secours de l’état, puisque l’état réclame l’assistance de l’église ; mais c’est pure charité, selon M. de Langres, et c’est même, disons-le, une charité sans humilité. Eh bien ! nous sommes convaincus que M. de Langres est à ce sujet dans une erreur dangereuse ; nous sommes convaincus que, lorsque M. de Langres se fait tolérant pour être bon politique, c’est alors qu’il est, sans le savoir, un évêque intelligent des besoins de l’église, et que, lorsqu’il croit pouvoir rester étranger aux destinées de l’état pour être bon évêque, c’est alors surtout qu’il méconnaît, nous ne disons pas les devoirs, mais les intérêts et les droits de l’église. Qu’on nous entende bien : nous ne voulons pas renvoyer ici M. de Langres aux maximes de la charité chrétienne ; nous renvoyons seulement M. de Langres aux maximes de la bonne politique ecclésiastique. Il faut y prendre garde en effet : l’idée, que l’église peut rester étrangère à la destinée de l’état, sinon par charité et par commisération, l’idée que l’église n’a point besoin du concours de l’état, et que l’état, au contraire, a besoin du concours de l’église, puisqu’il le réclame dans la loi de l’instruction secondaire, cette idée contient le principe du système que nous regardons comme le plus funeste à l’église et au clergé, le système de la séparation absolue de l’église et de l’état, le système qui a été vivement préconisé peu de temps après la révolution de février, le système enfin que le clergé ne doit pas être salarié par l’état. Entre le discours de M. de Langres et cette doctrine fatale et profondément révolutionnaire, selon nous, les liens sont étroits. Si l’église est étrangère à l’état, si elle peut se passer de lui, d’autres trouveront que l’état peut aussi se passer de l’église. Et ce ne sont pas seulement des incrédules et des indifférens qui croient cela ; ce sont des hommes profondément religieux, comme cela se voit dans les communions protestantes.

De même qu’il y a des gens qui croient que l’instruction n’est pas et ne doit pas être un service de l’état, que les familles doivent donner l’instruction aux enfans sans que l’état ait ni le droit ni le devoir de savoir quel est ce genre d’instruction, et s’il est bon ou s’il est mauvais, et surtout sans que le budget ait à en faire les frais, qui nous dit qu’il ne se trouvera pas aussi des gens pour croire et pour dire que la religion et le culte ne sont pas et ne doivent pas être non plus un service de l’état, que chaque individu doit, comme en Amérique, faire les frais de son culte ? M. de Langres a cru prendre le beau rôle en disant à l’état : Nous pouvons nous passer de vous ; il a pris le rôle dangereux. Sa question amène la réponse : Nous pouvons aussi nous passer de vous. Nous