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REVUE LITTERAIRE.




LES LIVRES ET LES THEÂTRES.




« Jusqu’à présent, lecteur, suivant l’antique usage,
Je te disais bonjour à la première page.
Mon livre, cette fois, se ferme moins gaiement ;
En vérité, ce siècle est un mauvais moment.

Tout s’en va, les plaisirs et les mœurs d’un autre âge,
Les rois, les dieux vaincus, le hasard triomphant ;
Rosalinde et Suzon qui me trouvent trop sage,
Lamartine vieilli qui me traite en enfant.

La politique, hélas ! voilà notre misère.
Mes meilleurs ennemis me conseillent d’en faire.
Être rouge ce soir, blanc demain, ma foi, non !

Je veux, quand on m’a lu, qu’on puisse me relire ;
Si deux noms, par hasard, s’embrouillent sur ma lyre,
Ce ne sera jamais que Ninette ou Ninon. »


C’est par ce sonnet que M. de Musset termine le recueil de ses poésies nouvelles, écrites pendant ces dix dernières années, et dont ici même le charme est encore présent à toutes les mémoires. Si nous le plaçons en tête de ces pages, ce n’est pas seulement pour y répandre comme un parfum lointain de cette poésie si bien douée du don de plaire ; c’est aussi quelque peu pour réfuter et contredire, dans l’intérêt de sa gloire, M. de Musset lui-même. Nous qui prétendons être, non pas ses meilleurs ennemis, mais ses amis les plus sympathiques et les plus constans, nous ne voudrions pas, à Dieu ne plaise ! lui voir faire de