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finale dans une sorte d’immobilité qui ne serait pas le repos, et d’agitation qui ne serait pas l’activité véritable. Choisir et bien choisir, ou périr, telle est son alternative. Qu’elle choisisse donc, et pour cela qu’elle ne craigne pas de traduire à sa barre et de sonder les doctrines, non dans ce qu’elles ont de raffiné et de savant ; œuvre dont la foule se soucie peu, mais au point de vue de leurs principes sociaux et de leurs conséquences générales ; qu’elle les adopte ou qu’elle les rejette enfin décidément, suivant qu’elle les aura reconnues conformes ou contraires à ses vrais besoins, à ses lois, à la conscience et à la raison plus sérieusement consultées.

Comment omettre le spiritualisme dans une telle revue des philosophies ? A travers les variétés, les écoles nombreuses qu’il compte dans son sein, il a un fonds immuable, qui survit aisément reconnaissable ; mais où le rencontrer sous sa forme la plus générale, la plus pure, et non pas tellement engagée dans les vues particulières et personnelles qu’il ne soit facile de l’en pouvoir détacher ? Quand le matérialisme et le scepticisme, commençant à se répandre, sapaient déjà toute croyance, le spiritualisme en Angleterre s’appelait Clarke, en Allemagne il s’appelait Leibnitz. On ne sera contredit par personne, amis et ennemis, en disant que la plus illustre personnification en France des doctrines spiritualistes est, à l’heure qu’il est, M. Victor Cousin.

M. Cousin est l’auteur de l’éclectisme, de cette doctrine ou plutôt de cette méthode qui a fait retentir autour de son nom un si bruyant concert de sympathies et d’outrages ; mais l’éclectisme n’est qu’un nom d’école. Il est le créateur d’un système brillant, hardi, controversé ; en le signalant, nous n’oublierons pas que nous cherchons un terrain autant que possible aisément accessible et commun aux esprits. Ce que nous voudrions étudier avec un intérêt plus approprié. aux circonstances, c’est le chef du grand mouvement qui a renouvelé chez nous la direction de la philosophie, c’est l’esprit qui, sans exception peut-être, et cela par la nature même de sa méthode, a entretenu le commerce le plus régulier et le plus intime avec les héros du spiritualisme antique et moderne, c’est l’écrivain qui a tracé le tableau le plus détaillé et le plus vaste de cette doctrine, non-seulement dans ses dogmes élevés et généraux, mais dans ses conséquences de toutes sortes, et singulièrement dans celles qui ont rapport à la société. C’est par ce côté plus particulièrement politique et moral, que ses écrits ont droit à l’attention de ceux qui ne se piquent pas de cultiver la philosophie, c’est-à-dire de l’immense majorité, même parmi les savans et les habiles.