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de restitution ! Nous leur ferons rendre ce qu’ils ont illégitimement revu à l’aide des droits sur le blé. »

Ce langage révolutionnaire n’est pas demeuré sans écho dans les masses. Il y a un mois, lord Lennox remerciait les électeurs de Shoreham qui venaient de le nommer, et, en leur promettant de demeurer fidèle aux principes protectionistes, il démontrait comment, au prix actuel du blé, les agriculteurs étaient nécessairement en perte. « Diminuez vos fermages (lower your rents), » lui crièrent aussitôt un certain nombre de voix, et, dans tout le trajet qu’il fit à travers la ville, les mêmes voix le poursuivirent avec ce cri. Il n’est presque pas de meeting protectioniste où quelques libre-échangistes n’aient fait entendre obstinément les mêmes paroles. Ce n’est pas seulement chez les free-traders que se répand la conviction qu’il en faudra venir à ce moyen extrême ; sir Robert Peel, comme nous l’avons vu, veut essayer de consacrer une partie de ses revenus à l’amélioration de ses terres, dans l’espérance que l’accroissement des produits rendra inutile la diminution du fermage ; il se déclare prêt néanmoins à consentir sur ses baux les réductions qui, après examen, lui paraîtront légitimes. Lord Lyttelton propose à ses fermiers une sorte d’assurance mutuelle ; il est prêt à annuler tous leurs baux et à en passer avec eux de nouveaux qui ne contiendraient plus la stipulation d’un fermage fixe, mais certaines conditions d’évaluation : le fermage qu’il aurait à recevoir serait déterminé chaque année par le cours moyen des denrées, pris comme base d’appréciation des produits de la terre. Lord Drumlanrig a été plus loin, et n’a point hésité à dire que, si l’état des choses ne s’améliorait pas, les propriétaires n’avaient qu’une chose à faire, c’était de sacrifier une partie de leur revenu.

Qu’on ne croie pas qu’il s’agisse d’un léger sacrifice. « On nous conseille, disait un fermier dans un meeting protectioniste, d’exiger des propriétaires un rabais de 20 pour 100 sur les fermages. Est-il sûr que cela suffise, puisque la baisse sur le prix du blé équivaut aujourd’hui à 26 pour 100 ? Quand nous aurons ruiné les propriétaires, comment leur demanderons-nous d’améliorer les terres et de nous faire des avances ? » C’est là cependant qu’il en faudra venir tôt ou tard ; la crise actuelle de l’agriculture ne se terminera que quand la classe des propriétaires fonciers aura sacrifié un cinquième et peut-être un quart de son revenu. Ce sera la ruine de l’aristocratie territoriale. Il n’est presque pas de famille dans la noblesse anglaise qui n’ait une partie de ses revenus engagée pour le service de dettes impossibles à éteindre ; quelques membres de la chambre des lords ne peuvent pas disposer du sixième de leur revenu pour les dépenses de leur famille ; quelques-uns ne peuvent soutenir leur rang qu’au moyen de leur traitement de fonctionnaires publics. On a vu en 1848, pour la première fois, le chef