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Russell, dans le discours qu’il avait prononcé en résumant le débat sur l’état de la nation, avait rappelé qu’en 1841 il avait proposé un droit modéré sur les céréales, que cette offre, jugée insuffisante par les tories, lui avait coûté le pouvoir, et qu’il croyait encore que ce plan, dédaigneusement repoussé, eût été préférable à la brusque et radicale suppression des corn-laws. M. Disraëli n’avait pas manqué de rappeler à son tour que le refus des protectionistes leur avait été dicté par sir Robert Peel, qui trouvait insuffisant un droit de 8 shillings, et qui, cinq ans après, passait le premier dans le camp du libre échange, en laissant en route son armée. Il ne paraissait pas impossible que lord John Russell et ses collègues, éclairés par une cruelle expérience, abandonnassent le plan de sir Robert Peel pour revenir à leurs idées personnelles.

Il n’en est rien cependant. Quand on a vu que le ministère avait demandé à M. Charles Villiers de se charger de proposer l’adresse d’usage en réponse au discours du trône, toute illusion a cessé. C’est M. Villiers qui le premier en Angleterre, et long-temps avant M. Cobden et la ligue, a demandé l’abolition des corn-laws. Pendant bien des années, il a présenté à cet effet, dans la chambre des communes, une motion qu’il était seul ou presque seul à défendre. Le choix d’un tel homme pour être l’organe du parti ministériel à l’ouverture de la session indiquait assez clairement que le ministère, loin de se diviser et de vouloir revenir sur le passé, était résolu à maintenir l’abolition des corn-laws.


III

Le ministère anglais avait à se prononcer entre l’agitation protectioniste et l’agitation radicale : c’est pour celle-ci que les collègues de lord John Russell ont opté. M. Cobden et ses amis s’étaient endormis depuis leurs grands succès de 1846, et, au commencement de l’année qui vient de finir, ils regardaient avec un dédain peu déguisé les efforts du parti tory pour se reconstituer ; mais, quand ils ont vu lord Stanley, le duc de Richmond, M. Disraëli, le marquis de Granby rallier peu à peu autour d’eux l’ancienne phalange, un moment désorganisée par la brusque volte-face de sir Robert Peel ; quand ils ont vu les meetings protectionistes se succéder avec un succès toujours croissant, les populations agricoles s’agiter, et sept ou huit élections tourner coup sur coup à l’avantage de leurs adversaires, ils ont compris qu’il était temps de se remettre à l’œuvre. L’association pour la réforme électorale et financière a été formée ; des meetings ont été convoqués, et M. Cobden a recommencé ses campagnes de 1844 et 1845, mais avec une verve un peu épuisée et sans retrouver ni les vives inspirations ni l’accueil enthousiaste d’autrefois. Alors chaque