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plus vives inquiétudes régnaient parmi eux ? Il a rappelé que l’avilissement actuel des céréales succédait à plusieurs années de cherté, et il a prouvé que, sous le régime de la protection, le prix des grains était descendu au-dessous des prix de 1849. Dans les cinq premiers mois de 1849, le prix le plus bas des grains a été de 44 sh. le quarter et le prix moyen de 45 sh. 3 d. Dans les années 1834 et 1835, le prix moyen fut de 44 sh. 8 d., et, pendant neuf semaines de 1836, il descendit encore plus bas. Ce ne fut alors qu’un avilissement passager ; pourquoi n’en serait-il pas de même encore ? C’est un triste remède pour les maux présens que le souvenir des maux passés ; mais l’attente de sir George Grey a été trompée. Il présentait ce prix moyen de 45 sh. comme la limite extrême de l’avilissement des grains ; ce prix n’était, au contraire, que le point de départ de la baisse, qui a toujours été croissant depuis juin 1849. Au 25 décembre, la mercuriale des grains publiée par la Gazette des Marchés donnait pour prix 38 sh. par quarter. Depuis 1836, jamais le prix moyen n’était tombé au-dessous de 40 sh. et n’avait même approché de cette limite. À Noël 1835, il avait été de 36 sh. ; mais, trois semaines après, il était déjà remonté au-dessus de 39 sh. Pour trouver des prix aussi bas que ceux de 1849, il faut remonter jusqu’en 1822, et même au-delà. On peut donc dire que les céréales ont subi, cette année, en Angleterre, un avilissement qu’elles n’avaient point éprouvé depuis trente ans. Malgré ce bas prix, et quoique la récolte ait été bonne et abondante en Angleterre, les importations n’ont ni discontinué ni diminué. On ne peut pas dire qu’elles aient été provoquées par la perspective d’obtenir un prix très élevé en Angleterre comme en 1847 : depuis deux ans, la baisse a été continuelle et sans aucun temps d’arrêt ; les grains expédiés en Angleterre ont dû être envoyés dans l’attente d’un prix qui, en aucun cas, ne pouvait s’élever au-dessus de 45 sh. ; il est même à croire que les importateurs ont calculé sur des prix inférieurs, à cause du bel aspect des récoltes en Angleterre. Ainsi se trouvent dérangés tous les calculs des économistes qui, avant qu’on songeât à abolir les corn-laves, prétendaient que la libre importation des grains aurait tout au plus pour effet d’abaisser la moyenne des prix à près de 45 sh., et qui croyaient qu’aucune importation considérable ne pouvait avoir lieu dès que le prix des grains descendrait au-dessous de 45 et même de 48 sh. le quarter. Aujourd’hui, il faut faire de nouveaux calculs ; et, comme on n’estime plus qu’à 4 ou 5 sh. le quarter, les frais de transport, etc., qu’ont à supporter les grains étrangers, on estime que le prix moyen du blé sera, à l’avenir, de 40 sh. Tel est le chiffre adopté par M. Cobden, par sir Robert Peel et par tous les hommes qui sont ou qui se croient compétens. Nous n’avons nulle raison, du reste, de contester la justesse de cette estimation ; seulement, nous dirons qu’elle n’a rien d’encourageant pour le laboureur anglais. Les fermiers des Lothians, les plus habiles