d’acquéreurs, exporter des articles destinés à la consommation intérieure, il ne pouvait suffire évidemment à rendre compte de l’accroissement considérable qu’avaient éprouvé toutes les exportations de l’Angleterre.
Que reste-t-il donc de toute la partie du discours de M. Disraëli qui était relative à l’industrie ? Un seul fait, celui sur lequel il a le moins appuyé, et qui aurait dû être au contraire le point de départ de son argumentation. Les exportations de 1848 ont égalé, pour les quantités exportées, les exportations de 1845 et 1846 ; mais leur valeur, qui était, en 1846, de 59,500,000 livres, n’a plus été, en 1848, que de 53 millions de livres. Ce fait prouve que, pour la même quantité de travail, l’Angleterre a reçu, en 1848, 6,500,000 livres, ou 162,500,000 fr. de moins qu’en 1846. Cette dépréciation dans la valeur des articles exportés, et notamment des cotonnades, a fait de nouveaux progrès en 1849, quoique le prix de la matière première, du coton, ait éprouvé une certaine augmentation. D’où vient cette dépréciation ? Sir George Grey s’est contenté de répondre que si les fabricans anglais avaient jugé à propos de vendre leurs produits moins cher, c’est qu’ils avaient eu intérêt à le faire, et, par une allusion aux lettres qu’il avait lues, il a invité ironiquement M. Disraëli à demander lui-même aux négocians anglais s’ils avaient pour habitude de vendre à perte et de s’en féliciter :
Toutefois si cette dépréciation des articles d’exportation n’a été produite ni par une réduction dans les bénéfices des fabricans ni par une baisse dans le prix de la matière première, elle ne peut s’expliquer que par une diminution dans les salaires. Est-il vrai que les salaires des ouvriers aient subi un abaissement depuis l’abolition des corn-laws ? C’est là un fait incontestable. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire les discours de sir George Grey et de sir Robert Peel, qui font un si magnifique tableau de la prospérité de l’industrie. À les en croire, et nous n’avons nulle raison de contester leur témoignage, jamais les fabricans n’ont été plus satisfaits : à l’exception de deux ou trois industries dont ils reconnaissent et dont ils expliquent l’état de souffrance, toutes les branches de la fabrication nationale sont en pleine activité, toutes les usines marchent, et marchent sans chômer un seul jour de la semaine. lis citent des lettres de presque toutes les villes industrielles de l’Angleterre et de l’Écosse, Bradford, Trowbridge, Leicester, Loughborough, Nottingham, Leeds, Huddersfield, Manchester, Dundee, Glasgow, Belfast ; partout l’activité des ateliers est la même, mais partout les salaires ont diminué. En deux ou trois endroits seulement, où il a fallu un supplément de bras, les salaires sont demeurés au même taux qu’en 1846 : dans tous les autres centres manufacturiers, ils ont subi une diminution. Sir George Grey et sir Robert Peel se bornent à soutenir qu’avec ces salaires réduits les ouvriers sont plus heureux qu’il