que l’Angleterre s’était vue dans la nécessité de nourrir l’Irlande ; il rappelait lui-même qu’un emprunt considérable avait été contracté pour donner du pain à plusieurs millions d’hommes. Si les souffrances étaient pour l’Irlande, la dépense était à la charge de l’Angleterre. Quant aux actions des chemins de fer, en 1846 elles étaient regardées comme un placement sûr et avantageux ; elles formaient une partie considérable de ce capital à l’aide duquel les classes industrielles faisaient le commerce étendu qui servait d’argument à M. Disraëli ; en 1848, ce capital s’était évanoui en fumée par la dépréciation des chemins de fer, et bien des gens qui, deux ans auparavant, se croyaient riches et étaient riches en effet avaient passé, comme par l’action d’un pouvoir surnaturel, de l’opulence à la misère. Il est impossible de nier que cette destruction presque instantanée d’un capital de plusieurs centaines de millions ait dû exercer une influence considérable sur la prospérité de la classe commerçante et industrielle ; il est également impossible de nier que les révolutions du continent ont eu leur contrecoup en Angleterre. Chacun sait qu’aussitôt après février 1848, toutes les maisons françaises qui avaient fait des commandes en Angleterre retirèrent leurs ordres : croit-on qu’il n’en ait pas été de même des maisons de Vienne, de Berlin et de toute l’Allemagne ?
M. Disraëli ne pouvait espérer de détruire complètement de semblables objections. S’il a persisté à choisir l’année 1848 comme un des deux termes de sa comparaison, c’est qu’en opposant aux tableaux statistiques de 1848 ceux de l’année finissant le 25 mars 1846, il pouvait conclure qu’en trois ans le nombre des pauvres valides qui, faute d’ouvrage, avaient dû recourir à l’assistance publique s’était accru de 74 pour 100 (666,338 au lieu de 382,417) ; que celui des indigens secourus s’était accru de 41 pour 100 (1,876,541 au lieu de 1,332,089) ; que les dépenses faites en vertu de la loi des pauvres s’étaient accrues de 25 pour 100 (154,500,000 francs, au lieu de 123,550,000 fr.) ; enfin, que les taxes locales pour venir au secours des indigens s’étaient accrues en moyenne de 39 et demi pour 100 dans les comtés manufacturiers et de 17 pour 100 dans les districts agricoles. En outre, l’orateur, pour le besoin de sa thèse, voulait être en droit de dire que ce n’était pas seulement l’agriculture qui avait reçu un coup funeste, mais que l’industrie elle-même avait été profondément atteinte, et il espérait tourner au profit de la démonstration qu’il entreprenait l’incontestable détresse de l’industrie anglaise dans les premiers mois de 1848. M. Disraëli oubliait que qui veut trop prouver ne prouve rien, et il allait apprendre à ses dépens qu’il n’est jamais prudent d’étayer d’argumens ruineux la meilleure des causes. Si ses adversaires parvenaient à établir qu’il y avait en 1849 amélioration sur 1848, ils étaient aussitôt