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leurs plans et leurs idées, et qu’ils ne pouvaient refuser de laisser juger sur les résultats de ces trois années la politique à laquelle ils s’étaient associés en 1846, et qu’ils continuaient.

Pendant toute la durée de la dernière session, le ministère whig n’a jamais eu rien à redouter pour son existence ; les discussions dont la politique extérieure et l’administration des colonies ont été le sujet n’ont jamais été de nature à l’alarmer sur le pouvoir dont il était paisible possesseur. Il n’en sera plus de même cette année. Tout annonce, au contraire, une session fertile en débats animés, en luttes ardentes, en mesures décisives. L’association pour la protection de l’industrie nationale et l’association pour la réforme électorale et financière ont consacré l’intervalle des deux sessions à ’agiter les esprits, se combattant l’une l’autre par des publications rivales, et opposant réunion à réunion sur toute la surface de l’Angleterre. M. Disraëli a commencé, et M. Cobden a repris le rôle d’agitateur ; tous deux ont parcouru les principaux comtés d’Angleterre, s’attaquant et se répondant tour à tour sans pourtant se trouver nulle part en face, et s’ajournant à leur rencontre dans le parlement. Lord Stanley vient de réunir les principaux membres du parti tory pour décider s’il convient d’attaquer le gouvernement dès le premier jour, en présentant un amendement à l’adresse, ou s’il convient mieux d’attendre une occasion plus favorable. Le gouvernement de son côté, jaloux d’échapper cette fois au reproche de s’endormir dans la jouissance du pouvoir, a fait préparer pour l’ouverture de la session un certain nombre de mesures, entre autres un nouveau plan d’administration coloniale et un projet de réforme électorale.

Changer la loi électorale et déplacer par conséquent le centre de gravité du pouvoir politique est partout une entreprise grave et périlleuse, à plus forte raison en Angleterre, où les institutions tirent de leur antiquité une grande partie de leur force, et où bon nombre d’esprits, en 1831, repoussaient encore une réforme dont ils reconnaissaient la justice, de crainte d’affaiblir le prestige de la chambre des communes en touchant à son organisation séculaire. Lord John Russell, en combattant les propositions de réforme électorale présentées par les radicaux, a plusieurs fois déclaré qu’il ne regardait pas l’œuvre de 1831 comme définitive, et qu’il admettait la possibilité d’un progrès ultérieur. Néanmoins on était fondé à croire que les whigs se tenaient pour satisfaits de la réforme accomplie, et qu’ils renvoyaient à un avenir assez lointain toute modification de la loi électorale. On a donc lieu d’être surpris de voir lord John Russell proposer lui-même cette année une réforme qu’il déclarait inopportune et prématurée l’année dernière ; on est en droit de supposer à cette détermination imprévue des motifs d’une impérieuse nécessité. Pour nous, la conduite du ministère