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leur côté, elles avaient passé du nôtre. C’était le tour de l’Angleterre d’être placée dans l’isolement.

En donnant au public cette suite d’études que nous terminons aujourd’hui sur la politique extérieure du gouvernement français de 1830 à 1848, notre dessein a moins été de nous livrer à un examen complet et circonstancié de la diplomatie française que d’en faire ressortir les côtés saillans ; nous nous sommes attaché aux événemens décisifs qui ont, pendant ces dix-huit années, mis le plus en relief le fond même de notre politique extérieure. Nous nous sommes abstenu de toute réflexion générale : nous nous les interdisons encore. Qu’il nous soit toutefois permis, au moment de poser la plume, de constater les faits en les résumant.

En 1830, le gouvernement français, sorti d’une crise révolutionnaire que nous n’avons pas besoin de juger ici, fruit lui-même d’une.transaction sur le mérite de laquelle nous n’avons pas à nous prononcer, se trouve en présence de l’Europe inquiète et troublée. Les grandes puissances, posées face à face de lui, une exceptée, lui sont toutes contraires. Par son accord avec le seul gouvernement dont l’origine fût semblable à la sienne, le seul dont il pût, avec honneur et sécurité, rechercher alors l’amitié, il brave, contient, calme et fait peu à peu tomber les dispositions malveillantes des autres cabinets. Quels sont les résultats de cette alliance avec l’Angleterre ? D’abord la création d’un royaume de Belgique, et par suite une sécurité nouvelle acquise pour notre frontière du nord ; peu après, l’établissement du régime représentatif en Espagne, qui nous ménage une égale sécurité pour notre frontière du midi ; enfin, l’établissement d’une monarchie constitutionnelle en Portugal, en Grèce, et, comme conséquence, un surcroît d’influence en Europe. Cette situation se prolonge sans modification essentielle jusqu’en 1840. En 1840 survient un premier dissentiment avec le cabinet anglais, dirigé par lord Palmerston. Notre pays découvre aussitôt combien, dès qu’il cesse d’être d’accord avec l’Angleterre, les autres cabinets européens sont empressés à s’unir contre lui. Il se trouve pour un temps rejeté, malgré la volonté de ceux qui le gouvernent, dans une situation isolée, violente et presque révolutionnaire devant l’Europe. Lord Palmerston est remplacé par lord Aberdeen ; alors l’entente se renoue, sinon entre les deux nations, du moins entre les deux cabinets. Cette seconde alliance avec l’Angleterre semble aussi solide, elle est plus intime peut-être que la première. Qu’elle est loin cependant de porter les mêmes fruits ! A peine les efforts des ministres des deux pays suffisent-ils à prévenir de déplorables collisions. Le cabinet tory cède bientôt la place à un cabinet whig, et lord Palmerston revient aux affaires. Alors une lutte non avouée, il