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question ? — Pas absolument, m’a-t-il répondu, mais il faudrait que le langage adressé à la diète fût bien amical et bien général, bien exempt de toute signification comminatoire. — J’ai dû remarquer, monsieur le ministre, que notre langage commun, quoique modéré sans doute, devait cependant provoquer en Suisse de sérieuses réflexions ; que l’avenir, enfin, devait paraître menaçant, si les paroles actuelles ne l’étaient pas.

« J’ai demandé, en terminant, monsieur le ministre, au principal secrétaire d’état de sa majesté britannique, si je pouvais annoncer à mon gouvernement que, dans le cas où les instructions destinées à l’ambassade du roi en Suisse seraient communiquées au cabinet anglais, elles seraient prises par lui en sérieuse considération, afin d’examiner jusqu’à quel point il lui serait possible d’y conformer ses propres instructions. — Oh ! oui, très certainement, m’a répondu lord Palmerston[1]… »


On voit clairement par cette dépêche quel était le but honorable poursuivi par la diplomatie française. Loin de chercher à tenir le cabinet anglais en dehors de l’entente que nécessitait l’état actuel des affaires du corps helvétique, elle croyait n’avoir accompli qu’une portion de sa tâche, si elle n’arrivait pas à réunir dans un même faisceau l’action combinée des différentes cours. Afin de rendre cette action efficace, elle cherchait à calmer les ressentimens excessifs de l’Autriche et à éveiller la sollicitude un peu endormie de l’Angleterre. Si les premières ouvertures n’avaient pas été accueillies à Londres avec un empressement bien vif, on voit du moins qu’elles n’avaient pas été non plus positivement repoussées.

Il ne s’écoula pas beaucoup de temps avant que notre ministère reçût du cabinet de Saint-James des paroles meilleures et plus positives. Lord Palmerston, après avoir consulté ses collègues, s’était montré disposé, sinon à agir à Berne en commun avec les cabinets de Paris et de Vienne, du moins à faire entendre au vorort des conseils qui fussent de nature à seconder les vues de ces deux puissances.

«… J’ai d’abord donné lecture à lord Palmerston des instructions adressées par votre excellence à M. le comte de Bois-le-Comte. Lord Palmerston a paru m’écouter avec un vif intérêt, me priant à plusieurs reprises de relire les passages les plus importans, et il m’a témoigné ensuite, de lui-même, son entière approbation des vues et des sentimens exprimés par le gouvernement du roi. — Je lui ai demandé dès-lors s’il consentirait à s’associer à notre langage. Lord Palmerston m’a répondu qu’il avait déjà entretenu de cette affaire deux de ses collègues, dont l’opinion s’accordait avec la sienne, mais qu’il ne pouvait me répondre définitivement avant d’avoir consulté le reste du conseil. Il m’a indiqué cependant la tendance générale suivant laquelle il pensait que les instructions devaient être rédigées. Selon lui, le langage de l’Angleterre, sans avoir dans la forme toute l’autorité que peut donner au nôtre notre position limitrophe à l’égard de la Suisse, doit cependant être conçu dans le même esprit.

  1. Dépêche de M. de Broglie, ambassadeur à Londres, à M. Guizot, 5 juillet 1847.