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placée envers la Suisse dans une position analogue à la nôtre par la contiguïté de ses frontières. »

« M. Ochsenbein, après m’avoir écouté, me dit : « Je ne répondrai que demain à votre discours, puisque vous le permettez[1]. »

Une chose est surtout digne de remarque dans le document que nous venons de citer, c’est le parfait accord de vues régnant à Berne entre les représentans de la France et de l’Angleterre, accord tel que M. de Bois-le-Comte, incertain sur la nature de la manifestation qu’il convenait de faire au nom de son gouvernement, ne croyait pouvoir mieux s’adresser qu’au ministre d’Angleterre. Cette confiance était naturelle, car rien n’avait alors indiqué que le gouvernement britannique envisageait les affaires de Suisse autrement que le ministre des affaires étrangères de France ; elle était bien placée, car non-seulement M. Morier en était digne par son honorable caractère, mais un long mémorandum inséré dans les papiers du parlement anglais a prouvé qu’il portait sur les hommes et sur les choses de la Suisse un jugement entièrement conforme à celui de son collègue de France[2]. Enfin elle était en rapport avec les intentions du gouvernement français, car si le ministre des affaires étrangères de France avait donné pour instructions à son agent en Suisse de se rapprocher autant que possible, dans les affaires de Suisse, des ministres de Russie, de Prusse et d’Autriche, il ne lui avait pas moins expressément recommandé de se ménager l’adhésion du représentant de l’Angleterre. Il ne fallait pas moins, en effet, que cette entente de toutes les grandes puissances pour contenir l’effervescence que ses récens succès avaient causée au parti exalté qui dominait alors dans les conseils de la Suisse. Afin de ne rien négliger de ce qui pouvait amener un aussi précieux concours, le cabinet français chargea son ambassadeur de France à Londres de donner communication à lord Palmerston de ce qui s’était passé à Berne entre M. de Bois-le-Comte et M. Ochsenbein, et de lui demander en même temps de joindre l’influence de la légation anglaise à celle des autres cours. Nous reproduisons ici ce premier entretien de M. de Broglie avec lord Palmerston au sujet des affaires de Suisse.

« Je lui ai, dès l’abord, donné lecture de la lettre de votre excellence, en date du 20 juin, et de la dépêche adressée au comte de Flahaut. Lord Palmerston m’a écouté attentivement, et a exprimé sans hésitation son approbation de la politique du gouvernement du roi. J’ai trouvé moins d’empressement chez lui quand je lui ai demandé, conformément aux instructions de votre excellence, s’il était disposé à s’associer au langage que nous voulions tenir à la diète helvétique. — Analysons un peu la question, m’a-t-il dit alors. De

  1. Dépêche de M. de Bois-le-Comte à M. Guizot, 4 juin 1847, n° 8.
  2. Voir le mémorandum sur les affaires de Suisse remis à lord Palmerston par M. Morier. (Papiers parlementaires sur les affaires de Suisse, 1847-1848, page 138.)