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« Y répondre par un simple accusé de réception ; puis, faire ma visite à M. Ochsenbein, et lui dire à lui-même toute mon opinion.

« Nous discutâmes les trois partis ; M. Morier le fit avec le plus excellent esprit et avec les mêmes sollicitudes que s’il se fût agi de sa propre conduite : il donna la préférence au troisième parti ; c’était aussi mon sentiment. Nous trouvions que nous conservions ainsi plus de liberté au gouvernement du roi. Votre excellence, en effet, reste maîtresse soit de laisser les choses comme elles sont, soit de confirmer mon discours par une lettre ostensible, si elle juge utile de prononcer davantage la position prise, soit de présenter ce que j’ai dit comme n’étant l’effet que d’une inspiration toute personnelle, si elle regarde que je me suis trop avancé.

« Je répondis par un simple accusé de réception à la notification de la nomination de M. Ochsenbein, et lui fis demander d’indiquer le jour où il recevrait ma visite officielle. Il désigna le lendemain, à onze heures.

« M. Ochsenbein vint à moi avec un air de visage doux et souriant. C’est un homme d’une quarantaine d’années et d’une taille moyenne, maigre, assez élancé ; d’un châtain très clair avec d’énormes moustaches blondes. J’avais eu l’égard de ne prendre personne avec moi, préférant être seul avec lui ; mais il s’était fait lui-même accompagner de M. le chancelier Amrhyn, en grande tenue.

« Je lui dis : « Voulant marquer la séparation entre mes paroles officielles et notre conversation particulière, j’ai écrit mon discours ; ensuite, désirant ne pas vous donner le désavantage de répondre d’improvisation à un discours préparé, je vous laisserai mon papier, et, si vous croyez devoir répondre, vous le ferez demain en me rendant ma visite. »

« Je lus alors à M. Ochsenbein ce qui suit :

«… Chaque nation est indépendante, mais c’est un des attributs même de son indépendance de pouvoir en restreindre l’exercice par des traités avec les autres nations. La France l’a fait plusieurs fois à différentes époques de son histoire, nommément en renonçant à la faculté de fortifier plusieurs parties de son propre territoire.

« La Suisse a fait comme la France. Tout en conservant le principe de son indépendance, elle a signé un traité qui en limite l’usage en des points terminés. Je veux parler des dispositions de l’acte du congrès de Vienne, auxquelles la diète de Zurich a adhéré par une déclaration solennelle.

« L’acte de Vienne reconnaît non pas une Suisse unitaire, mais une Suisse « fédérative, composée de vingt-deux cantons.

« Si un ou plusieurs de ces cantons viennent donc un jour nous dire que l’on menace leur existence indépendante, qu’on la veut contraindre ou détruire, qu’on marche à substituer une Suisse unitaire à la Suisse cantonale que reconnaissent les traités ; que par là nos traités sont atteints, nous examinerons si en effet nos traités sont atteints. La nature même de ces sortes de questions, les considérations de droit et d’opportunité à y porter, les rendent tellement dépendantes des circonstances qui s’y rattachent immédiatement, qu’on risque toujours de s’égarer en les traitant prématurément ; aussi ne l’avons-nous pas fait ; nous nous sommes arrêtés à cette seule résolution, à ce seul mot : nous examinerons. Je suis complètement en mesure d’ajouter que nous le ferons dans un parfait accord d’esprit et d’intentions avec les puissances signataires du même traité, et plus particulièrement avec l’Autriche,