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voulait point intervenir prématurément dans les discussions intérieures de la diète, aussi long-temps qu’il n’y serait pas contraint par la violation flagrante des traités ? Il ne lui restait plus qu’à hasarder encore, sans grand espoir, un dernier avertissement, et, par une manifestation publique des sentimens de sa cour, à tâcher de jeter quelque inquiétude dans l’esprit des radicaux, et faire ajourner ainsi, autant que cela dépendait de lui, une lutte devenue imminente. Voici la dépêche dans laquelle M. de Bois-le-Comte, à la date du 4 juin 1847, rendait compte à M. Guizot de sa première entrevue avec le nouveau président du vorort.

« Les instructions que votre excellence m’avait données prévoyaient le cas où M. Ochsenbein serait nommé président de la diète. Je devais accepter les rapports officiels avec lui et lui faire la visite qui est prescrite par l’usage.

« Ses deux discours changeaient cependant considérablement la position : il venait de glorifier le rôle et de proclamer les principes contre lesquels votre excellence avait si énergiquement protesté, et la majorité du grand conseil de Berne, après avoir entendu, je dirai plus juste, après avoir exigé et obtenu ce discours, avait jugé M. Ochsenbein digne maintenant d’être placé à la tête de la confédération suisse.

« L’ambassadeur du roi, allant en cérémonie le lendemain faire à M. Ochsenhein une visite que les envoyés des autres cours lui refusent, eût proclamé l’abandon des principes que votre excellence a noblement rappelés à la Suisse.

« Je n’avais ici du corps diplomatique que M. Morier : j’ignorais ses instructions, mais je connaissais son caractère, et j’avais à parler d’un intérêt qui ne pouvait être indifférent à aucun de ceux qui peuvent désirer la conservation d’un ordre quelconque en Suisse.

« Je fus trouver M. le ministre d’Angleterre et lui proposai de concerter notre conduite ; je trouvai M. Morier très frappé de la situation, n’en attendant plus que désordres, malheurs et désastres. Il m’exprima le regret de ne pouvoir accorder sa conduite à la mienne : « J’ai vainement attendu, me dit-il, un seul mot de regret sur l’affront qui m’a été fait ; je n’aurai plus rien de commun avec eux, je ne leur répondrai pas, je ne les verrai pas ; je renvoie le tout à ma cour : elle fera ce qu’elle jugera convenable de faire. Je vais passer quinze jours à la campagne ; de là, je pars pour Paris, en disant à jamais adieu à ce pays> »

« J’avais espéré, dis-je à M. Morier, que ces circonstances rapprocheraient complètement ici nos deux gouvernemens ; je l’espère encore, car je ne concevrais pas deux opinions sur de tels désordres, et je commence ce bon accord par vous demander d’éclairer ma conduite par votre longue expérience de ce pays et par votre bon jugement.

« Confirmer purement et simplement par une visite officielle ce que M. Ochsenbein vient de faire est une chose que ni vous ni moi ne croirons possible. Je balance entre trois partis

« Répondre à leur notification que je l’ai envoyée à mon gouvernement et que j’attendrai ses ordres ;

« Y répondre en rappelant la note de M. Guizot ;