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professeurs allemands étaient conviés par les cantons les plus éclairés de la Suisse à venir exercer chez eux une suprématie qui n’était le plus souvent légitimée par aucun talent supérieur. Les fils de ceux qui avaient vaillamment combattu à Morat contre la domination étrangère acceptaient docilement le joug des doctrines qui leur étaient expédiées toutes faites du dehors. Genève, l’ancienne ville de Calvin, se donnait à régenter à un rédacteur inconnu du National de Paris ; Zurich invitait le docteur Strauss à venir attaquer les dogmes chrétiens au sein même de la cité qui avait la première reçu avec enthousiasme et défendu sur les champs de bataille les doctrines de Zwingle ; Berne s’inspirait des déclamations furibondes des proscrits allemands. À vrai dire, la Suisse semblait ne plus s’appartenir à elle-même. Elle s’était livrée en pâture à des révolutionnaires cosmopolites, prêts à expérimenter sur elle, et à ses dépens, les théories subversives qu’ils n’avaient pu faire triompher dans leur contrée natale.

Peut-être nous faudrait-il encore aujourd’hui renoncer à faire comprendre comment, en 1847, le parti radical, si peu nombreux et si faible par lui-même, est cependant parvenu à imposer peu à peu aux états souverains composant la confédération suisse des institutions intérieures et une politique extérieure antipathiques à l’immense majorité de la nation, si les événemens de l’année 1848 n’avaient révélé au public européen ce que peuvent des minorités entreprenantes dans les heures fatales où Dieu permet qu’elles exploitent à leur profit les défaillances du pouvoir, l’insouciance et les dissentimens des honnêtes gens.

En Suisse, les hommes modérés étaient divisés de canton à canton, de race à race, de religion à religion. Quant au pouvoir, il était si faible, qu’à peine, s’il l’eût voulu, eût-il pu se défendre. S’agissait-il de renverser le gouvernement de quelque canton conservateur, de lui enlever l’exercice de l’autorité, ou seulement de l’obliger à s’en servir au profit exclusif des opinions exaltées, les procédés employés étaient aussi simples qu’efficaces. Les agitateurs de toute la Suisse se portaient, à un moment donné, sur le canton qu’ils se proposaient de révolutionner. Ils y établissaient des sociétés secrètes, y fondaient des journaux démagogiques, exploitant sans choix toutes les questions qui pouvaient exciter les passions de la localité, s’alliant tantôt avec les catholiques contre les protestans, tantôt avec les protestans contre les catholiques, ailleurs avec les indifférens pour opprimer à la fois catholiques et protestans un peu zélés, semant partout la haine de classe à classe, ameutant les populations de la campagne contre les habitans des villes, traînant toujours après eux la discorde, les rixes, et trop souvent la guerre civile. S’agissait-il d’arracher, à la diète elle-même quelques mesures qui pouvaient la compromettre vis-à-vis des cours étrangères, après avoir provoqué dans chaque localité des mouvemens