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des assertions de Claudine en tout ce qui touchait à la rencontre avec M. le prince et au cadeau de Mrae de Bouturville ; mais l’affaire du bracelet n’en demeura pas moins obscure, et, si M. de Bue se porta garant de l’innocence de la jeune fille, il déclara qu’il n’exposerait pas un cheveu sur la vertu de la mère. Le registre de maître Cambrai et le nom du président de Chevry augmentèrent la confusion, en présentant de faux indices que l’on prit pour bons. Le commissaire crut agir avec toute l’indulgence possible en laissant aller Claudine et en remettant dame Simonne aux mains des exempts. La mère et la fille s’embrassèrent ; l’une partit toute en larmes pour la prison du petit Châtelet, et l’autre suivit M. de Bue.

— Ne perdez point courage, mon enfant, dit le gentilhomme ; si votre mère a sur la conscience quelque péché de jeunesse, ce n’est point une raison pour qu’il vous arrive malheur.

— À Dieu ne plaise que je perde courage ! répondit Claudine. L’innocence de ma mère sera reconnue, puisqu’il y a une justice. Je sais à qui m’adresser pour cela.

—Prenez garde, reprit M. de Bue, de réveiller quelque fâcheux souvenir en cherchant la lumière. Votre mère ne vous a point dit tout ce qu’elle a fait à dix-huit ans. Le feu président de Chevry était un libertin. Je vous ai tirée d’un mauvais pas ; n’en demandez pas davantage.

—Monsieur, répondit Claudine, je confesse que les paysans ont toutes sortes de défauts ; mais il y a encore des gens honnêtes parmi nous. Je vous en ferai convenir, pour peu que vous ayez la bonté de m’aider ; et d’abord conduisez-moi, je vous prie, à la place Boyale, afin que je parle à ma princesse inconnue.

— Ce n’était donc pas, dit M. de Bue, une fable inventée pour disculper votre mère ?.

— Je ne mens jamais, répondit Claudine avec fierté.

— Eh bien ! je vous mènerai où vous voudrez, car je suis curieux de voir la fin de tout ceci.

Il y avait à la place Royale la compagnie accoutumée. Les dames étaient assises, comme à l’ordinaire, sous les arbres, et la grande Mademoiselle y avait amené ses violons. Claudine poussa des soupirs en comparant sa triste situation présente avec les délices qu’elle avait goûtées dans ce lieu le premier jour qu’elle y était venue. Il lui sembla qu’elle ne voyait plus sur les visages des promeneurs la même bienveillance qu’autrefois. Ces sourires qu’on lui avait prodigués étant enfaDt, elle ne les retrouvait plus étant jeune fille. Les uns la regardaient avec dédain, les autres avec une attention plus blessante encore. Elle entendit des jeunes gens se dire entre eux :

— Où diable de Bue a-t-il ramassé cette bavolet te ? Voilà une plaisante idée d’étaler ici cette conquête !