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LA BAVOLETTE.

les mains. Je gage que vous m’accusiez déjà de vous oublier. Je n’ai pourtant songé qu’à-vous depuis cinq ans, et je saurai vous prouver que mes sentimens n’ont point varié. Vous êtes mes premières amours.

— En avez-vous donc eu d’autres ? demanda Claudine.

— Non, sur ma vie ! répondit le lieutenant. Vous serez les premières et les dernières. Ne vous ai-je pas promis fidélité ? Mais vous, comment avez-vous observé la foi jurée ?

Claudine raconta qu’elle avait refusé plus d’un parti, malgré les remontrances de sa mèVe. Elle allait faire quelques plaintes du long retard et du silence de son ami, lorsque Thomas l’interrompit et lui parla des maux, des fatigues et des dangers de la guerre. En l’écoutant, la bavolet te changeait de visage. Elle se félicitait tout bas d’avoir su contenir ses reproches, dont l’injustice et la cruauté l’auraient remplie de confusion.

— Ne pensons plus à nos ennuis passés, ma chère ame, reprit le lieutenant. Nous voilà réunis, et c’est assez. Occupons-nous des moyens de nous voir souvent, et profitons de la liberté que nous offre le voisinage, car qui sait où la guerre me peut conduire demain ?

— Nos épreuves ne sont-elles pas finies, dit Claudine, et n’est-il pas temps de nous marier ?

— Je le voudrais, assurément, répondit Thomas, le ciel m’en est témoin ; mais il faut l’autorisation de mon colonel, le marquis d’Anisy, et l’on ne se marié pas en campagne. Attendons que la paix soit signée. Hélas ! mon père voudra-t-il que je vous épouse ? Je frémis en songeant à la colère où il se va mettre, si je lui parle de vous. Je suis gentilhomme, chère Claudine, et mille obstacles s’élèvent entre nous.

— Monsieur le prince les renversera.

— Mon régiment appartient à M. le cardinal, et non pas au prince de Condé. Prenons patience, ma chère ame, et nous verrons la fin de nos peines. Il suffit que vous m’aimiez. Donnez-m’en l’assurance, et j’aurai plus de courage à supporter les lenteurs et les contradictions.

En parlant ainsi, le lieutenant pressait la taille fine de la jeune fille et baisait amoureusement les tresses de cheveux blonds qui sortaient du bavolet. Comme il s’animait à ce jeu-là, Claudine se dégagea de ses bras.

— Monsieur, lui dit-elle, j’ai plus besoin que vous de courage et de consolations.

— Eh ! quoi, s’écria Thomas, vous repoussez les témoignages de ma tendresse ?

— Non, mon ami, répondit Claudine, je repousse des libertés que votre fiancée ne doit point souffrir pour être digne de vous. Si je ne vous aimais point, serais-je à cette place ?

Le lieutenant ne manqua pas de se plaindre, comme si on l’eût que

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