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REVUE DES DEUX MONDES.

— Nous sommes fiancés, monsieur, s’écria Claudine avec indignation. Je l’attends pour l’épouser.

— C’est-à-dire qu’il vous a promis mariage. Encore une fille enjôlée. Ils n’en font pas d’autres.

La bavolet te s’enfuit épouvantée par les regards et les cyniques paroles de ce soldat.

— Voilà bien ces hommes de sac et de corde, pensait-elle. Ils ne croient à rien d’honnête.

Cependant l’armée de M. le prince arriva sous, les murs de Paris. Le blocus commença, et Claudine apprit, un beau jour, que le Royal-Italien était campé depuis deux mois tout près d’elle, au bourg de Charonne. À cette étrange découverte, un nuage lui passa devaut les yeux ;, mais sa foi robuste ne fut qu’à peine ébranlée. Il fallait que, dans les escarmouches contre les rebelles, Thomas eût reçu quelque blessure, peut-être mortelle. Sans prendre conseil de personne, la bavolet te partit incontinent à travers la plaine inondée de soldats et de maraudeurs. Elle gagna Montreuil, afin d’éviter les lieux inhabités, et redescendit vers Charonne. À l’entrée du bourg, un factionnaire l’interrogea. Comme l’armée royale manquait de vivres, un panier que Claudine avait au bras, et dans lequel étaient quelques provisions, lui servit de prétexte pour franchir les lignes du camp. Sur la place du marché, elle reconnut un piquet de mousquetaires portant les revers bleus du Royal-Italien. Elle s’avança résolument, et demanda où était un gentilhomme nommé Des Riviez.

— C’est notre lieutenant, lui répondit-on. Tirez la clochette de cette maison, et vous le trouverez là-haut.

Claudine sonna. Un mousquetaire ouvrit la porte.

— Annoncez à votre lieutenant, dit-elle, que Claudine Simon, après l’avoir attendu pendant cinq ans, le vient trouver pour lui parler du jour où elle eut l’honneur de le voir en présence de Mme de Boutteville.

Au bout de cinq illimités, le mousquetaire revint appeler la bavolet te et l’introduisit dans une chambre d’où sortirent deux officiers pour la laisser en tête à tète avec Des Riviez. Ce n’était plus l’écolier timide et gauche d’autrefois. Un duvet noir colorait ses lèvres, et le soleil avait basané ses joues. L’uniforme et les mœurs militaires l’avaient transformé à son avantage ; mais Claudine éprouva un serrement de cœur en lui voyant dans les yeux un certain air dur qu’elle ne lui connaissait point. De son côté, le lieutenant trouva la bavolet te fort embellie, en sorte qu’ils commencèrent par se regarder sans dire mot. Claudine n’augura rien de bon de ce silence ; elle s’attendait à un accueil tout dilièrent. À la fin cependant, Thomas se leva et courut à elle avec empressement.

— Qu’il est bien à vous d’être venue, ma chère ! dit-il en lui prenant