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dont 132 légèrement nuageux et 119 absolument sereins ; la sécheresse du sol environnant, qui boit avidement la moindre particule d’humidité, et surtout l’élévation exceptionnelle de Madrid à près de 640 mètres au-dessus du niveau de la mer, expliquent ce phénomène d’optique. Le jour offre d’autres magnificences, surtout l’été. Madrid a vraiment alors des heures fantastiques, par exemple à midi, quand la raréfaction ordinaire de l’air, doublée par une chaleur torride qui donne souvent à l’ombre plus de 38 degrés centigrades, agrandit et rapproche au débouché de chaque rue, comme de mobiles décors d’opéra, les perspectives les plus lointaines, ou bien encore vers le soir, quand les rayons obliques du soleil, déjà décomposés en teintes indécises, mais plongeant dans la transparence de l’atmosphère avec une brutalité que n’ont pas nos couchans, ruissellent en tons de cuivre sur l’essaim noir des mantilles, poudrent à blanc la cime obscurcie des arbres, et changent en flammes de Bengale l’auréole de vapeurs où s’éveillent les dieux mythologiques des fontaines du Prado. Ces effets de climat donneront toujours à la capitale espagnole une physionomie à part, quand même l’invasion des habitudes anglaises et françaises la dépouillerait de toute autre originalité. Ne désespérons même pas, au point de vue politique et moral, de la ténacité du caractère madrilègne : le climat n’a-t-il pas encore ici sa part d’action ? Je doute fort, par exemple, que ce lugubre spleen des lendemains d’orgie révolutionnaire, qui a nom socialisme, se naturalise jamais dans la splendide atmosphère de Madrid, Madrid appelât-il dans son sein le personnel révolutionnaire des métropoles du nord. Plaisanterie à part (car ceci est du domaine de la physiologie la plus sérieuse), que de maussades rêveries d’hiver ne découvrirait-on pas au fond de certaines monstruosités écrites ? Tel qui refait la société a commencé peut-être par rêver une société où il n’y aurait ni pavés gluans ni rhumes de cerveau. Le lazare de Naples aurait cent fois plus de raisons d’être socialiste que l’ouvrier parisien, et le lazare, enivré de soleil, est plus conservateur que M. de Metternich. Sur les mœurs privées, l’influence du climat est plus visible encore : la vie tout extérieure, presque publique, des pays méridionaux, comporte et autorise entre les deux sexes une plus grande liberté d’allures que la vie essentiellement intérieure des pays froids. La pruderie naquit en Angleterre dans le brumeux demi-jour d’un parloir .calfeutré. Puissent les Madrilègnes rester pour leur part fidèles à cette loi du climat ! Puisse ce progrès, qui doit un jour initier Madrid à l’activité matérielle de Paris et de Londres, lui laisser moins de respectabilité qu’à Londres, plus de sagesse qu’à Paris !


GUSTAVE D’ALAUX.