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commandée par B… a été battue. » Où diable est-ce donc ? Ah ! voici

« Tu remettras à Mme de Tessé cette lettre de Séléki, car je ne puis me déshabituer de donner à notre pauvre camarade le nom sous lequel l’a révéré toute l’armée d’Afrique. Il est mort à l’hôpital d’Oran après huit jours d’atroces souffrances. Il avait reçu une balle dans le ventre et avait été obligé de suivre la colonne pendant trois journées sur un cacolet. Il est mort comme il vivait depuis deux années, en saint. Il a voulu qu’on l’enterrât avec un chapelet qu’il serrait entre ses mains pendant son agonie. Il avait confié à P… que son brevet, au nom de Séléki, lui avait été donné par un ami, le duc André de Tessé, qui avait voulu le soustraire ainsi aux suites d’une condamnation politique. Et- à propos de braves, je te dirai que le gros Ringard, du 3e bataillon… » Il n’est plus question de Séléki, fit l’officier en s’interrompant.

La duchesse, ce soir-là, ne voulut pas aller au bal. Elle avait une émotion qui la rendait même fort belle, et elle jura qu’elle voulait pour jamais renoncer au monde. A-t-elle tenu son serment ? Vous souriez. Quoi qu’il en soit, j’aime presque également les personnages de cette très véridique histoire. J’ai une grande vénération pour Séléki, j’ai la plus tendre indulgence pour le fragile et charmant instrument de son salut.


PAUL DE MOLÈNES.