Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un minimum d’intérêt de 6 pour 100, plus 1 pour 100 par an consacré au rachat graduel des voies construites.

Les mille accidens du sol espagnol, la nécessité de faire traverser trois chaînes de montagnes au chemin de fer qui relierait, par exemple, Valence à la Corogne par Madrid, voilà, je le sais, des obstacles exceptionnels. Il ne faut pourtant pas se les exagérer. L’expérience a prouvé qu’il était souvent moins coûteux de percer des montagnes que des collines, car, dans le premier cas, les travaux de maçonnerie sont presque toujours inutiles. En supposant d’ailleurs que les difficultés topographiques à vaincre atteignissent ici les dernières limites, la compagnie concessionnaire trouverait deux compensations pour une à ce surcroît de frais. En premier lieu, vu le faible rapport des propriétés rurales dans l’état actuel des voies de communication, elle aurait beaucoup moins à dépenser qu’en d’autres pays pour l’achat des terrains et les indemnités à accorder aux propriétaires. La moitié du territoire espagnol se compose d’ailleurs de pâtures et de communaux, appartenant à l’état, aux provinces, aux communes, qui trouveraient profit à en abandonner gratuitement le parcours à une voie ferrée. En second lieu, la compagnie pourrait compter sur des bénéfices bien plus considérables qu’en d’autres pays. En Angleterre, en Belgique, en France même, où les chemins de fer venaient se juxtaposer, en double et triple emploi, à d’autres voies de communication que cette formidable rivalité n’a pas fait abandonner entièrement, les capitaux engagés dans la construction de ces chemins s’en sont fort bien trouvés[1]. Que serait-ce donc en Espagne, où les nouvelles voies n’auraient à lutter contre aucune concurrence sérieuse, et où d’immenses accumulations de richesses minérales, végétales et animales n’attendent que des moyens de transport pour déborder à l’intérieur et à l’extérieur ?

Admettons cependant toutes les mauvaises éventualités. Voici un projet qui les élude à coup sûr. Un ingénieur anglais a publié récemment dans l’Heraldo le devis des frais de construction et d’exploitation d’un chemin de fer de Valence à Ségovie, en se contentant momentanément d’une seule voie qui offrirait même quelques solutions de continuité au passage des points les plus difficiles, tels que les montagnes de Guadarrama, et d’une vitesse de vingt milles anglais à l’heure pour les voyageurs, réduite à la moitié pour les marchandises. Il résulte de ce devis que le mouvement actuel des transports sur toute l’étendue de cette ligne et sur ses différentes sections, mouvement relevé aux portes des villes et dans les stations de péage

  1. Les crises politiques, l’agiotage, l’imprévoyance de certaines compagnies qui avaient fait des appels exagérés de fonds, sont seuls responsables des mécomptes financiers auxquels a donné lieu la création de quelques chemins de fer, ce qui ne prouve rien contre les avantages de ces sortes d’entreprises.