Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 5.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parvenues qu’en se fusionnant par groupes de deux ou trois, ou en restreignant considérablement leurs émissions ; mais ce n’est pas moins là le signe d’une immense accumulation de forces productives qui ne demandent qu’à être utilisées. Une ville où se trouvent à la fois concentrées les plus grandes influences, les plus impérieuses exigences et la plus forte masse de capitaux disponibles, ne saurait être long-temps condamnée à ce rôle d’impasse commerciale que la difficulté des communications et les vices de la législation ont fait à Madrid ; en effet, un mot vient d’être prononcé qui lève l’interdit dont semblait irrévocablement frappée la capitale espagnole. Il ne s’agit de rien moins que de la construction d’une voie ferrée de Madrid aux deux mers.

Qu’on ne se récrie pas : plus l’Espagne est arriérée sous le rapport des voies de communication, plus elle est accessible à l’innovation des chemins de fer ; car, chemins pour chemins (et tout le monde est d’accord, au-delà des Pyrénées, sur la nécessité d’en ouvrir), le simple bon sens conseille de débuter de préférence par le système le plus perfectionné. Disons plus : les chemins de fer sont, de toutes les voies de communication, celles dont l’exécution offre, chez nos voisins, le moins de difficultés financières. La création et l’amélioration des routes ordinaires ont partout des résultats trop lointains ou trop peu saisissables pour tenter les capitaux particuliers, et l’état, les provinces, les communes sont tellement obérés en Espagne, qu’ils ne peuvent consacrer à ces entreprises que d’insignifiantes allocations. Un chemin de fer, au contraire, ouvre à la spéculation privée des perspectives assez larges et assez immédiates pour qu’une compagnie se substitue à ces agens impuissans. L’état peut même intervenir ici d’une façon très efficace. Une loi récente a accordé des exemptions temporaires d’impôt aux capitaux engagés dans les travaux d’irrigation. Pourquoi n’accorderait-il pas un privilège analogue aux capitaux engagés dans la construction des chemins de fer ? Le trésor n’y perdrait presque rien d’un côté, car la plupart des capitaux disponibles sont aujourd’hui inactifs et échappent par cela même à l’impôt, et il y gagnerait beaucoup de l’autre. Calculez en effet par la pensée l’énorme accroissement de production et de consommation, c’est-à-dire de matière imposable, qu’amènerait la création d’une grande ligne de chemins de fer dans un pays où, faute de voies de communication, telle denrée vendue à vil prix sur un point donné du territoire devient presque un objet de luxe à sept ou huit lieues plus loin ! L’état le comprend si bien, qu’il n’a pas hésité à offrir aux compagnies concessionnaires des avantages plus directs encore. En attendant une loi définitive sur les chemins de fer, loi dont les chambres sont déjà saisies, le congrès vient de décider en principe et à l’unanimité que le trésor garantirait à ces sortes d’entreprises