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nouveaux renseignemens surviennent durant le cours de l’impression, et M. Madoz, sacrifiant avec une bonne foi dont il faut lui savoir gré la symétrie à l’exactitude, se résigne à les faire entrer dans un cadre qui ne leur était probablement pas destiné ; tantôt les élémens d’un même relevé, n’ayant pas pu être tous recueillis avec la même rapidité, se rapportent à des années différentes, ce qui gêne les vues d’ensemble. Les scrupules même de l’auteur, le soin qu’il prend de mettre sous nos yeux toutes les pièces du procès, chaque fois qu’il a à justifier un chiffre ou une lacune, jettent dans cet ouvrage une lourdeur fatigante. J’insiste sur ces imperfections, car il sera facile d’y remédier dans les éditions suivantes, et le Dictionnaire de M. Madoz est destiné à avoir de nombreuses éditions. L’état l’a adopté, et le mode de subvention qu’a imaginé le gouvernement espagnol ne manque pas d’une certaine couleur locale : il a offert aux employés, en guise d’à-compte sur leurs arriérés, un exemplaire de l’ouvrage. La plupart des employés, autorisés par une triste expérience à croire qu’un bon livre valait bien une créance sur le trésor, ont pris cette offre au mot. À quelque chose malheur est bon, comme on voit : avec un déficit moindre, l’état n’aurait pas été en mesure d’encourager cette œuvre capitale, qui, par ses difficultés et son étendue, dépassait les limites d’une spéculation privée.

Je ne crains pas d’avoir trop longuement insisté sur l’importance de cette immense statistique, qui, dans un moment où la production et la consommation espagnole essaient de nouer des rapports réguliers avec le commerce des autres pays, a véritablement un intérêt européen : essayons maintenant d’en tirer parti. Le volume qui concerne Madrid nous occupera de préférence, car c’est là que l’auteur a accumulé le plus grand nombre de résultats comparatifs. Nous serons obligé parfois de remplacer les chiffres par des inductions. M. Madoz ne nous dit pas, par exemple, comment se décompose la population de plus de 235,000 ames qu’il a relevée à Madrid pour 1848. Or, ce sont précisément ces détails qui, rapprochés de quelques données correspondantes des années antérieures, pouvaient le mieux nous éclairer sur les destinées de la capitale espagnole, en permettant de distinguer, entre les diverses influences qu’elle subit, celles qui sont purement accidentelles de celles dont l’action est permanente. Malgré ces lacunes, les renseignemens recueillis par M. Madoz n’ouvrent pas moins la porte à des aperçus très intéressans et surtout très nouveaux sur la situation matérielle, le rôle politique et les mœurs de la société madrilègne.


I

Madrid a d’abord cela de particulier, entre toutes les capitales européennes, qu’il n’est, à proprement parler, ni agricole, ni commercial,