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assez lorsque l’heure suprême sonnera ? Et, de jour en jour, cette heure approche, et l’insouciance sera expiée aussi bien que les sentimentalités philosophiques dont elle se décore. Il faut parvenir à trouver une foi supérieure à celle de la révolution ; sinon, soyez-en sûr, tôt ou tard nous succomberons.

Nous pouvons encore nous sauver matériellement par l’action de la force ; mais là n’est pas la question, car la force n’est qu’un pouvoir temporaire, et l’esprit révolutionnaire est une chose tout intellectuelle. S’il nous paraît si matériel, c’est qu’il ressemble aux rêves d’une imagination sans loi, au délire physique des facultés qui s’éparpillent et courent çà et là comme des bacchantes. Ce qui fait sa force, c’est qu’il se proclame un progrès sur ce qui fut, et c’est par là qu’il est attaquable. La révolution, qui n’est qu’un moyen de destruction, un expédient, une machine de guerre, un fait, s’est posée comme étant une loi. Là est son point tout-à-fait faible. Eh bien ! en face du temps, il faut poser hardiment l’éternité ; en face de la révolution, des besoins nés d’une époque évanouie, il faut poser des idées essentielles, éternelles, nécessaires à la nature même de l’homme et aux fondemens du monde. Jindique le remède intellectuel, religieux, philosophique ; d’autres chercheront les moyens matériels.

Toutefois on ne trouvera point ces idées victorieuses, si l’on ne s’est fait d’abord un cœur exempt de ressentimens, de passions et de préjugés, si l’on ne s’est fait une ame morale, impartiale, indifférente aux systèmes. Je vois trop de préjugés parmi nous. Ce n’est pas la forme de l’ancienne société qu’il faut présenter aux yeux des nouvelles générations, c’est l’idéal éternel des sociétés. Il faut leur apprendre que les hiérarchies et les aristocraties sont le fondement des sociétés, mais non pas que les parchemins et les titres sont les bases de l’univers. En toutes choses, aujourd’hui, il faut montrer l’esprit, l’idée, le principe, jamais les formes. Les anciennes formes sont détruites, vous ne les ferez pas revivre. Sauvez le principe d’autorité, et peu importe après qu’il revête cette forme ou cette autre. Sauvez l’idée de hiérarchie, et peu importe ensuite comme elle s’organisera, et si l’échelle sociale s’élèvera du simple chevalier jusqu’au duc et pair ; les chevaliers, les ducs et pairs, sont des titres et des étiquettes de choses réelles, mais il ne faut pas prendre ces étiquettes pour la réalité. J’en dirai autant de l’esprit religieux : sauvez l’esprit chrétien et laissez au temps le soin de recréer une nouvelle forme. Imprégnez les esprits, remuez les cœurs, faites circuler le souffle des idées pures, mais ne présentez pas des formes vermoulues et des couleurs effacées. Soyez sûr que, si vous répandez l’esprit religieux, vous aurez plus fait pour la conversion des cœurs et des ames qu’en continuant à combattre protestans entre catholiques et vice versa. Vous ne ressusciterez pas la noble chevalerie,