de la jeunesse. Il entoura de ses bras la taille d’Élisabeth et mit sur la bouche, où jusqu’alors ses désirs avaient à peine osé se poser, un de ces baisers audacieux et timides, pleins d’angoisses et de volupté, où se donne toute une ame et se joue toute une vie. Élisabeth se dégagea de ses bras, et d’un bond fut à la porte du salon. Il y avait sur ses traits l’implacable résolution d’une femme décidée à repousser un amour dont l’ivresse ne l’a pas gagnée. Elle n’avait pas toutefois ce calme qui, dans un semblable moment, est pour un amoureux le plus cruel des outrages et la plus terrible des douleurs ; elle était émue, non pas de colère, mais d’effroi, ou peut-être de remords ; elle reculait avec terreur devant l’incendie qu’elle avait allumé, et considérait avec tristesse celui que la flamme torturait sous ses yeux.
Robert, dit-elle, je ne serai jamais à vous, et elle s’enfuit, aérienne et rapide, à travers les salles pleines d’ombre. Robert entendit son pied gravir l’escalier du château. Il la suivit jusqu’à sa chambre, dont la porte était entr’ouverte, et resta pâle comme un maudit, humble et tremblant comme un pécheur sur le seuil de ce paradis dont il se sentait repoussé. Il y avait sur ses traits une telle expression de souffrance d’ame et de chair ; que la duchesse sentit de nouveau dans son cœur se lever enlacés l’un à l’autre, comme deux ombres fraternelles, le repentir et la pitié ; mais ce n’étaient point ces tristes fantômes qui pouvaient remplacer cette brûlante apparition de l’amour que le baiser de Robert n’avait pas évoquée. Il fallait toutefois qu’elle donnât au pauvre amoureux une parole. Il fallait qu’elle empêchât cette ame de mourir, car il y a des instans où les ames, tout immortelles qu’on les dise, semblent près de mourir comme les corps. Une inspiration s’empara tout à coup de son esprit, et marchant d’un pas hardi vers Robert, dont elle prit la main : « .Écoutez, fit-elle, c’est l’affection même que vous m’avez inspirée qui me défend pour toujours d’être à vous ; j’ai fait un vœu pendant que vous étiez possédé par le délire, et, à l’heure de la mort, j’ai juré sur ce chapelet, qui me vient d’une sainte et qui est resté sur votre lit pendant une nuit tout entière, de ne jamais être à vous. Je ne violerai point mon voeu. Cela nous porterait malheur à tous deux. Aimons-nous, Robert, comme nous nous sommes aimés jusqu’à présent, en restant dignes du ciel qui a entendu mes prières et qui vous a sauvé, dignes des épreuves dont vous êtes sorti et du grand cœur que vous avez montré. Si vous ne pouvez plus m’aimer comme je veux être aimée, pour moi, et pour vous surtout, mon ami, séparons-nous. Tenez, gardez seulement cette chose chère et bénie qui vous rappellera un cœur où vous aurez été aimé de la seule tendresse dont un jour vous aurez souci. »
En ce moment, un pas se fit entendre. Une femme de la duchesse se dirigeait vers la chambre où se passait cette scène. « Adieu, mon ami,