va-t-on la remplacer ? Va-t-on protester contre le renversement du principe d’autorité ? Non, on transigera, on avouera que le principe absolu d’autorité a fait son temps, mais qu’il faut cependant qu’il reste quelque chose de ce principe, une moitié, ou un quart seulement, car enfin il faut toujours un gouvernement. On oublie qu’autre chose est le gouvernement, autre chose est l’autorité ; que l’autorité qui n’est plus autonome, comme dit le vocabulaire philosophique d’aujourd’hui, que l’autorité qui n’a plus sa loi et sa vie en elle-même, qui ne puise plus en elle-même sa propre force, et qui est obligée de chercher en dehors d’elle son ressort moral, tantôt dans une fraction du pays, tantôt dans une autre, tantôt dans un parti parlementaire, tantôt dans un autre, qui prend sa force dans l’initiative ambitieuse et fatale de tel ou tel homme, n’est plus l’autorité, mais une simple machine gouvernementale. Autre exemple : la foi est éteinte, on le dit du moins ; les hommes d’état se hâtent de le croire, s’empressent de le publier, et demandent comment ils vont remédier à cette absence de croyance. Par l’instruction primaire, répondent-ils ; puis, comme Pilate, ils se lavent les mains et dorment tranquilles. On enseigne donc aux enfans les vingt-quatre lettres, les quatre règles de l’arithmétique, la position géographique des capitales de l’Europe, et puis tout est fini. Avez-vous remédié par là à cette absence de foi ? avez-vous créé des hommes ? Nullement. Vous avez créé des automates sans force morale, sans ame pour se guider ; comme dans la légende, ils accourent vers vous, et vous demandent une ame ; ils n’obtiennent aucune réponse ; ils rencontrent sur leur chemin la révolution, qui leur en fournit une enflammée, mais bien réelle ; les automates que vous aviez créés par votre instruction mécanique se retournent contre vous et vous dévorent.
Il n’est plus temps maintenant de renoncer aux moyens mécaniques ; ils se sont usés d’eux-mêmes, il n’y en a plus. L’instruction primaire a montré manifestement sa faiblesse, ses dangers, son impuissance absolue à donner l’éducation, c’est-à-dire à former des hommes réels, capables de sentir leur responsabilité, de répondre de leur conduite au lieu de la mettre sur le compte de la société ; car, pour le dire entre parenthèses, à force de parler par abstractions, nous avons fini par fournir des excuses à toutes les passions. C’est là le plus grand danger de toutes ces manières de langage qui n’ont pas un sens résolu et définitif. Quant aux constitutions, elles semblent avoir fini leur temps. Qui s’en soucie aujourd’hui ? Une chose m’a toujours beaucoup tourmenté : si par hasard cette constitution vient à périr, me suis-je dit souvent, je voudrais bien savoir s’il se trouvera des hommes assez héroïques pour avoir le courage d’en créer une autre. Quant au gouvernement parlementaire, il meurt tous les jours, tantôt sous les coups que lui porte la constitution qu’il a créée lui-même, tantôt sous les