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M. Curzon a découvert bon nombre de manuscrits cophtes, syriaques, grecs et arabes, et lui-même en a rapporté plusieurs en Europe, entre autres un dictionnaire cophte et arabe. Près de la mer Morte, le hasard lui a fait faire une autre découverte : celle des fruits de cendre dont parle la Bible, et qui semblent être des excroissances produites par un insecte sur une sorte d’ilex. Plusieurs de ces fruits trompeurs, fort semblables en apparence à des prunes, ont été remis par M. Curzon à la société linnéenne, qui en a fait le sujet d’un mémoire. Somme toute, M. Curzon a voyagé en homme instruit, et peut-être son livre est-il appelé à diriger d’autres observateurs vers des contrées trop peu explorées jusqu’ici, et qui peuvent fournir de précieuses données sur l’histoire des sociétés humaines comme sur l’histoire de l’art.


Notes of an Irish Tour (Notes d’une excursion en Irlande), par lord John Manners[1]. — Il est impossible de prononcer le nom de lord John Manners sans éveiller le souvenir de la jeune Angleterre, et quoique ses notes de voyage ne forment qu’une mince brochure, les allusions qu’il fait, dans sa préface, à certaines critiques politiques auxquelles il s’attend ne nous permettent pas d’oublier que sous le petit livre se cache un parti. Quel est donc ce parti ? On connaît les luttes que se livrèrent sous Jacques Ier l’église épiscopale et le puritanisme. On sait que sous Jacques II, à propos d’une ordonnance qui décrétait de par le roi la liberté des cultes, et qui, de par le roi, avait été envoyée au clergé pour être lue du haut de la chaire, l’église établie se divisa en deux branches, qui jusqu’à nos jours sont restées séparées sous le nom de haute et basse église (high church et low church.) La haute église est tory, la basse église est whig. Avec Guillaume III, ce furent les principes whigs de la basse église qui arrivèrent au pouvoir, et c’est contre ces idées qu’éclata, on le sait, la réaction à laquelle le docteur Pusey attacha son nom. La jeune Angleterre peut être regardée comme l’expression militante et politique de l’école de jeunes théologiens qui s’est formée autour du docteur d’Oxford. Peut-être s’est-on exagéré la portée de ce mouvement. On y a vu un retour au catholicisme, tandis que c’était simplement un retour aux principes de ce vieux parti tory et épiscopal qui a pour saint l’archevêque Laud, qui de tout temps a sympathisé avec les catholiques par antipathie pour les puritains, mais qui, tout en cherchant à rétablir les pompes du culte et à faire de l’église l’interprète nécessaire de la loi, n’a nullement eu en vue de donner pour chef à sa hiérarchie le souverain pontife de Rome. Que l’avenir ait peu à attendre de cette réaction, l’expérience semble déjà le prouver ; car à Oxford le puseyisme s’éteint pour faire place à un scepticisme chrétien, à une sorte d’idéalisme mystique qui va à pleines voiles vers les doctrines du docteur Strauss. Toutefois, les exagérations et les aberrations de la logique calviniste ont assurément donné une certaine importance à la nouvelle secte, et elle a au moins fait œuvre utile en prenant en main, n’importe pour quelle raison, la défense des catholiques.

Comme ses précédens écrits, le petit livre de lord John Manners laisse percer toutes les tendances du parti. Il est toujours fort préoccupé de liturgie ; il revient

  1. 1 vol. in-18. Londres, 1849, J. Olivier, Pall Mall.