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qui pût permettre quelque opération, sinon de siège, au moins d’attaque par terre, telle que le comporterait un débarquement.

L’escadre alla se réunir à Oran pour se mettre en communication avec l’armée, qui avait pris position sur la frontière. De là elle se rapprocha rapidement des côtes du Maroc pour appuyer par sa présence ou sa proximité les négociations suivies par le consul-général à Tanger. Deux points se présentaient à elle la baie de Gibraltar et celle de Cadix. Elle se porta d’abord dans celle de Gibraltar. Ce point semblait bien choisi pour assurer des communications rapides, d’une part avec Lalla-Marnia, où le maréchal avait établi le dépôt de ses ravitaillemens et le point de départ de ses courriers, et d’autre part avec Tanger. Au point de vue militaire, on pouvait toujours, à l’aide du courant de flot, porter en quelques heures les vaisseaux devant Tanger pour menacer la ville de plus près ou pour la combattre. Enfin on avait sous la main ou à portée les ressources en ravitaillemens et en charbon qu’offrait Gibraltar, puis celles de Cadix et de Malaga. Toutefois le gouvernement, mu par des considérations d’un autre ordre, puisées dans l’état de ses rapports politiques, ne voulut pas que l’escadre séjournât dans la baie de Gibraltar. En conséquence, elle dut se rendre à Cadix. Les ressources demeuraient les mêmes : les communications, moins rapides, restaient cependant assurées au moyen des navires à vapeur ; mais on se trouvait moins rapproché de Tanger, et, à cette époque de l’année où règnent les vents d’est, on n’avait plus, comme à Gibraltar, la certitude de pouvoir, y faire paraître les vaisseaux à jour et presque à heure fixes.

Cependant deux engagemens successifs avaient eu lieu sur la frontière. Les consuls avaient été retirés, non sans peine et sans quelque risque, des divers points du littoral, Larrache, Mazagan, Casablanca et Mogador. Le blocus avait été signifié aux commandans des forces navales étrangères et aux agens consulaires du littoral espagnol avoisinant. En même temps, les officiers du génie attachés à l’expédition étaient allés reconnaître, autant que les circonstances l’avaient permis, les deux points qui avaient particulièrement fixé l’attention du commandant en chef, Tanger et Mogador.

Les événemens se précipitaient : toutes les ressources dilatoires de la diplomatie arabe étaient épuisées, et le 29 juillet l’escadre quittait la baie de Cadix pour aller se montrer sous les murs de Tanger. Le plan du commandant en chef était formé : il voulait frapper sur cette ville un coup retentissant, puis se porter rapidement sur Mogador, seul port commercial de l’empire, le ruiner par le canon, s’emparer de l’île et l’occuper comme un gage jusqu’à la paix. On sait comment ce plan fut exécuté : à Mogador, les batteries du côté de la mer furent démantelées, enclouées ou jetées par-dessus les murailles, et l’île prise. Il ne restait plus qu’à occuper celle-ci et à s’y établir de manière à dominer la ville et à la tenir sous son canon. Maître de l’île, on était maître de la ville, dont on avait ruiné les défenses. On pouvait donc se borner à l’occupation de l’île. Quelles étaient les conditions de cette occupation ?

La côte de Mogador, difficilement abordable dans la saison des vents d’ouest et de sud-ouest, est battue par une grosse houle en toute saison. Le port, mal abrité, est ouvert à la mer de sud-ouest et de nord-ouest. Quant à l’île, c’est un rocher stérile ; point d’eau, point de bois, quelques abris insuffisans, des