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LE MAROC VIS-A-VIS DE LA FRANCE.[1]


Il y a quelques semaines, des difficultés s’étaient élevées avec le Maroc : une expédition était à la veille de partir de Toulon. Cette expédition a été contremandée, et des satisfactions ont été obtenues. Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins assuré que l’avenir nous réserve des complications nouvelles avec le Maroc. Un peu plus tôt, un peu plus tard, la France, comme elle l’a fait en 1844, ou comme elle se préparait à le faire en 1849, aura à châtier ses voisins de la côte d’Afrique. Il y a là, soyons-en sûrs, des causes permanentes d’antagonisme et de conflit. Ces causes sont dans le fanatisme d’une population guerrière, insoumise, étrangère au droit commun de l’Europe, et sur laquelle le chef même de l’empire n’exerce qu’une autorité limitée, souvent contestée, impuissante. Quant aux éventualités où les intrigues et les excitations du dehors sauraient se faire de ce fanatisme un instrument et une arme contre nous, elles ne sont que trop faciles à prévoir.

Nous aurons beau user de modération, la modération ne sera comptée que pour timidité et faiblesse ; la modération appellera l’insulte. Pour maintenir la paix, si le maintien de la paix est possible, mieux vaut se montrer toujours fort et menaçant. Ce n’est point un système d’agression que l’on prétend invoquer ici, c’est un système de répression, un ensemble de vues et de moyens dont il convient dès à présent d’indiquer les conditions et les élémens propres. C’est dans la campagne de 1844 qu’il faut rechercher ces conditions ; celles-ci une fois clairement définies et posées, il sera plus facile d’en déduire, avec une juste mesure, les moyens d’action et de répression, au double point de vue de l’efficacité et de l’économie.

En 1844, Abd-el-Kader, réfugié sur le territoire du Maroc, y prêchait la guerre, et, à défaut de complicité directe et positive du gouvernement marocain, il trouvait dans le fanatisme de ses co-religionnaires un auxiliaire ardent. En même temps, une question de limites avait servi de cause ou de prétexte à des agressions partielles dont nos soldats avaient fait bonne et prompte justice. C’est dans ces circonstances qu’une expédition partit de Toulon vers le milieu de juin. Elle se composait, dans l’origine, de trois vaisseaux, d’une frégate, d’un vapeur de 450 chevaux et de plusieurs autres vapeurs de rang inférieur. La guerre n’était rien moins que décidée. On voulait seulement appuyer par une démonstration les négociations que M. le maréchal Bugeaud poursuivait les armes à la main, et au besoin seconder par une diversion ses opérations militaires. D’après cette donnée générale, et en prévision d’une occupation éventuelle, un corps expéditionnaire de douze cents hommes avait été embarqué sur les navires de l’escadre. Ceux-ci étaient pourvus en outre d’un matériel proportionné

  1. Nous avons reçu cette note d’un officier de marine bien placé pour juger les choses, au moment où une lutte nouvelle paraissait imminente avec le Maroc. Le conflit s’est tout d’un coup évanoui ; nous n’en publions pas moins cette note, parce qu’elle peut avoir encore son utilité, bien que les difficultés aient momentanément disparu.