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les attributions des diètes et des pouvoirs locaux, mieux vaudrait n’avoir rien changé à la vieille politique. Les populations qui ont pris si loyalement les armes en faveur de l’Autriche s’accommoderaient mieux du régime d’autrefois que d’une centralisation qui leur donnerait la liberté civile en étouffant leur nationalité. Qui dit unité ne dit point nécessairement centralisation. Une polémique des plus animées vient de s’élever à ce sujet entre le chef du parti slave, en Bohème, M. Palacki, et la presse allemande de Vienne. Tandis que celle-ci recevait le concours des principaux organes de l’opinion en Allemagne, M. Palacki trouvait un écho puissant dans toutes les provinces de l’empire et dans le journalisme de tous les pays slaves. Le savant professeur de Prague, inquiet des projets de centralisation auxquels le germanisme essaie de pousser le cabinet, a tracé le programme du parti slave avec une grande précision d’idées. Suivant lui, la question constitutionnelle est tout entière entre la centralisation et le fédéralisme. Dans sa pensée, le fédéralisme ne s’oppose point à l’unité. Quelle serait donc de ce point de vue l’organisation de l’empire ? Il renferme sept peuples très distincts ; il y aurait sept grandes provinces avec des diètes et une administration responsable pour tous les intérêts locaux. Le pouvoir central, tempéré par la diète générale de Vienne, conserverait les attributs de la souveraineté politique, la direction des affaires étrangères, des finances, de la guerre, de la marine. Au moment même où le débat des questions formulées par M. Palacki était dans toute sa vivacité, le ministère a officiellement annoncé la publication des constitutions provinciales. Selon toute vraisemblance, ces constitutions ne répondront pas exactement à la pensée du parti fédéraliste. Au lieu de sept provinces qui seraient puissantes individuellement, et dans le sein desquelles se concentrerait avec force la vie de chaque nationalité, l’on essaiera de dix à douze subdivisions, qui peut-être tiendront séparés les Bohèmes des Slovaques, les Polonais des Ruthéniens, les Croates des Illyriens et des Serbes, les Valaques de la Transylvanie de ceux de la Hongrie. En outre, le pouvoir central conservera assurément plus d’attributions que le parti fédéraliste ne voudrait lui en reconnaître. Toutefois, si l’on en peut juger d’après la constitution de la province dort Vienne est le chef-lieu, une bonne partie de l’administration sera aux mains des autorités locales, et une fois la diète générale réorganisée, une fois le régime parlementaire rétabli et le gouvernement des majorités devenu loi fondamentale, le reste sera l’affaire des élus du pays et du pays lui-même. À défaut d’un résultat plus grand, il est du moins constaté dès à présent que l’Autriche, tout en s’efforçant de rester aussi germanique que possible, en réagissant même contre les vœux des publicistes slaves, ne songe point à se replacer sous le régime de la souveraineté absolue. À la vérité, c’est avec lenteur qu’elle marche ; cependant elle se meut.


— Les premières opérations du congrès américain ont pleinement justifié l’exposé qui a été fait ici même[1] de la situation politique des États-Unis. La chambre des représentans n’a pu élire un président qu’après soixante-quatre scrutins, qui ont employé plusieurs semaines. Dès le premier jour de la session,

  1. Voyez la Revue du 1er janvier 1850.