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contrebandier, se voyant placé, dans beaucoup de cas, sur la même ligne que les voleurs, résistait rarement à l’envie de cumuler les profits d’une assimilation dont il cumulait les charges. La contrebande était ainsi devenue la pépinière officielle des bandits. La nouvelle loi pallie ce double inconvénient, et nous n’y trouverions, pour notre part, à reprendre qu’une seule disposition c’est celle qui défère les délits en matière financière à une juridiction spéciale. Mettons de côté la question d’économie, oublions même ce qu’a d’illogique ce fractionnement des attributions judiciaires dans un moment où le gouvernement fait de si courageux efforts pour établir partout ailleurs l’unité ; resterait la question de savoir si un tribunal exceptionnel peut avoir la même autorité morale que les tribunaux ordinaires. C’est douteux, surtout pour une des classes de délits qui vont tomber sous l’action de ce tribunal exceptionnel. L’opinion est en tout pays, l’Angleterre seule exceptée, d’une excessive indulgence pour la contrebande ; soumettre celle-ci à une juridiction distincte, n’est-ce pas encourager et justifier cette tendance dangereuse qu’ont déjà les masses à la distinguer des autres délits ?

À propos de douanes, voici une bonne nouvelle pour notre commerce. On avait paru craindre que le gouvernement espagnol, en vue de satisfaire à certaines exigences locales, ne s’inspirât d’une pensée restrictive dans la désignation des bureaux qui, aux termes du nouveau tarif, allaient être ouverts aux importations et aux exportations. Une ordonnance royale est venue dissiper ces inquiétudes. Alicante, Almeria, Barcelone, Bilbao, Cadix, Carrif, Carthagène, Ciudad-Real de las Palmas, la Corogne, Gijon, Valence, Mahon, Malaga, Motril, Orotava, Palamos, Palma de Majorque, Sainte-Croix de Ténérife, Santander, Saint-Sébastien, Séville, Tarragonne, Vigo, Rosas, c’est-à-dire, tous les ports espagnols un peu importans de l’Océan et de la Méditerranée, sont ouverts par cette ordonnance au commerce d’importation et d’exportation et au cabotage. Les quelques exceptions qui ont été faites n’ont aucun intérêt pour le commerce étranger. La frontière de terre n’est pas moins bien traitée. Pour ne parler que de la ligne des Pyrénées, nous n’avons pu relever, dans la désignation des bureaux qui seront ouverts à nos échanges internationaux, une seule omission réellement dommageable pour notre commerce. L’une des pensées fondamentales de la réforme douanière votée par les cortès au mois de juin dernier se trouve ainsi réalisée. Les importations et les exportations espagnoles, dont tant d’intrigues extérieures et intérieures cherchaient à fausser la direction, sont rendues à leur équilibre naturel.

Au sein du congrès, les questions administratives et financières à l’ordre du jour ont donné lieu à quelques escarmouches qui font pressentir une discussion des budgets très orageuse. La situation espagnole subit aujourd’hui l’inconvénient habituel des situations fortes. Les diverses nuances d’opinions qui s’étaient confondues en face du danger reviennent à leurs tendances propres, depuis que toute complication, tant extérieure qu’intérieure, semble avoir disparu. Nous doutons cependant que le cabinet Narvaez, bien qu’on en fasse courir le bruit, ait à recourir de long-temps à l’expédient extrême d’une dissolution dont les conservateurs dissidens seraient fort exposés du reste à payer les frais.